Concerts

La magie écossaise

Le Scottish Chamber Orchestra, dirigé par Maxim Emelyanychev - Photo Classictoulouse -

Le 21 mai dernier, la saison des Grands Interprètes recevait le Scottish Chamber Orchestra dirigé par son chef principal, Maxim Emelyanychev, ainsi que la violoniste Alina Ibragimova. Ces invités prestigieux ont profondément actualisé, personnalisé, un programme musical influencé par la nationalité de l’orchestre, mais pas seulement.

Depuis sa dernière venue à Toulouse en 2017, toujours dans le cadre de la saison des Grands Interprètes, le Scottish Chamber Orchestra semble avoir évolué dans son approche des grandes œuvres du passé. Probablement sous l’influence de son nouveau chef principal depuis 2019, Maxim Emelyanychev, son jeu devenu plus « historiquement informé » aborde les œuvres avec l’instrumentarium et le style de l’époque de leur composition. Le jeune et dynamique chef est en effet un fin connaisseur des musiques anciennes qu’il pratique notamment avec l’ensemble Il Pomo d’Oro qu’il dirige d’ailleurs depuis son clavecin !

On remarque en effet, lors de ce concerts toulousain, que les instruments à vent, dits « anciens », prennent toutes leur place, notamment les flûtes en bois, les cors naturels et les trompettes naturelles, les timbales en peau… Il en résulte une transparence sonore particulière de l’ensemble de l’orchestre avec une individualité caractéristique des différents pupitres.

Ces singularités se manifestent dès l’ouverture Les Hébrides de Felix Mendelssohn. Finesse expressive, poésie et passion s’y expriment alternativement sous la direction dynamique et fougueuse de Maxim Emelyanychev. La clarté des thèmes bénéficie de cette lecture limpide.

Alina Ibragimova et Maxim Emelyanychev – Photo Classictoulouse –

La violoniste russe Alina Ibragimova est ensuite la soliste de l’unique concerto pour violon et orchestre de Beethoven. Cette interprétation se distingue radicalement de la plupart des exécutions issues de la tradition romantique et post-romantique qui ont marqué cette partition. Il s’agit là d’une sorte de retour aux sources qui se traduit par une vision « chambriste » de l’œuvre. Le jeu sensible, profondément musical et coloré de la soliste s’accompagne de peu de vibrato. Au cours de la longue exposition orchestrale du premier mouvement, avant son entrée « officielle », Alina Ibragimova s’intègre au pupitre des premiers violons dont elle joue discrètement la partie. Cette pratique peu courante se poursuit en outre dans toute l’œuvre ! Ce premier volet se conclut sur une version bien particulière de la cadence. Rappelons qu’à cette époque les cadences solistes constituaient une sorte de démonstration de la virtuosité des interprètes qui étaient chargés de les improviser. D’ailleurs Beethoven n’en a pas écrit pour cette version du concerto. Les plus couramment jouées encore aujourd’hui ont été composées par le grand violoniste viennois Fritz Kreisler. Le choix d’Alina Ibragimova est tout autre. Elle se lance dans un éblouissant déchaînement technique qui peut surprendre, mais qui reste d’une profonde authenticité. Car elle joue en fait la transcription pour violon de la cadence composée par Beethoven pour la version piano de ce même concerto. Une cadence discrètement ponctuée par la timbale. On oublie souvent en effet que le compositeur a réalisé cette transcription devenue une sorte de Concerto n° 6 pour piano ! Dans tout ce premier mouvement, la soliste dialogue d’égal à égal avec un orchestre magnifiquement maîtrisé par le chef. Dans le Larghetto, le recours à une subtile dynamique, des forte imposants aux pianissimi le plus impalpables, évoque comme une successions d’émouvantes confidences.

La transition avec le Rondo final s’effectue grâce à la deuxième des cadences composées par Beethoven pour la version pianistique de l’œuvre, encore une fois transposée au violon. La partie soliste et l’accompagnement orchestral dialoguent dans un déploiement joyeux mais néanmoins balisé de nuances subtiles et d’une grande finesse. Jusqu’à la troisième cadence, toujours issue des mêmes sources, qui conclut dans l’exubérance joyeuse cette impressionnante exécution.

Alina Ibragimova, soliste du Concerto pour violon de Beethoven – Photo Classictoulouse –

Le retour vers Mendelssohn et l’Ecosse complète ce voyage dans les Highlands initié par l’ouverture Les Hébrides. Sa Symphonie n° 3, dite « Ecossaise », aborde tous les aspects de cet hommage aux paysages et à la tendresse qu’ils évoquent au cœur du compositeur. Le Scottish Chamber Orchestra, admirablement structuré et stimulé par Maxim Emelyanychev, s’avère être l’interprète privilégié de cette partition. Une fois encore, la transparence du tissus orchestral confère une lisibilité accrue au multiples solos instrumentaux qui ponctuent l’écriture de cette œuvre. Des solos toujours admirablement ciselés. Aux tempêtes du premier mouvement succède le relief contrasté du Scherzo, d’une grâce légère. La beauté du chant lyrique qui s’élève de l’Adagio débouche enfin sur ces touchantes alternances entre vivacité et tendresse que génère l’Allegro vivacissimo final.

Maxim Emelyanychev au salut final – Photo Classictoulouse –

Une ovation enthousiaste du public visiblement séduit salue le dynamisme et le raffinement de cette belle exécution. L’Orchestre et son chef offrent alors un cadeau supplémentaire. Il s’agit cette fois d’un folksong traditionnel d’Ecosse harmonisé récemment. Pour cette exécution, les musiciens à vent retrouvent leurs instruments modernes. Un nouveau témoignage de cette recherche d’une certaine authenticité d’interprétation de l’ensemble.

Serge Chauzy

Programme du concert- du 21 mai à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse :

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