Opéra

Sublimissime et triomphale fin de saison capitoline

Epilogue de Mefistofele

L’entrée au répertoire du Capitole, en langue originale, du chef-d’œuvre d’Arrigo Boito, Mefistofele, conclut sous les ovations une saison sans faille.

C’est dans une production de l’Opéra royal de Wallonie (2007), signée Jean-Louis Grinda (mise en scène), que ce Mefistofele fait son entrée en majesté à l’Opéra national du Capitole, dans les décors et lumières de Laurent Castaing et les costumes de Buki Shiff. Ces derniers sont d’une richesse incroyable et permettent au Chœur de personnifier différentes atmosphères. Ainsi, dans le Prologue et l’Epilogue, les phalanges célestes sont tout de blanc vêtues, alors que pour la Kermesse, c’est une explosion de couleurs qui envahit le plateau. Les choristes deviendront de véritables dominos vivants dans le Sabbat. Le tout sur un fond de projections vidéos (Arnaud Pottier) tour à tour nuées célestes, sombres forêts, cathédrale gothique, prison, cabinet du docteur Faust.  Peu d’accessoires et une mise en scène illustrative laissant l’œuvre (gigantesque et complexe) s’épanouir sans vaine transposition.

Mefistofele, scène du Sabbat

La famille capitoline s’agrandit

Nous le savons très bien, depuis son arrivée à la direction artistique du Capitole, Christophe Ghristi n’a de cesse que de composer une troupe virtuelle de chanteurs et de chefs d’orchestre qu’il nomme affectueusement « la famille capitoline ».  Cette dernière vient de sérieusement s’agrandir. Tout d’abord avec l’arrivée du maestro italien Francesco Angelico. Il n’est rien de dire combien cette partition est diverse et donc difficile à diriger. Francesco Angelico a une conscience parfaite de cette écriture marquée par le temps de sa composition. Aussi en donne-t-il une lecture franche et dynamique, suivie en cela par un orchestre tout à la fois vrombissant et délicatement nuancé.

Il convient d’ores et déjà de parler des Chœurs. Ils sont une soixantaine d’adultes plus une trentaine de maîtrisiens à défendre l’une des partitions les plus denses de tout le répertoire les concernant.  Sous la direction de Gabriel Bourgoin, ils se sont montrés à la hauteur de l’événement, tant par leur volume, leur discipline, leur musicalité et leur incarnation physique de chacun de leurs « personnages ». Le public leur a dédié un triomphe amplement mérité.

Nicolas Courjal pour une prise de rôle qui fait date

Quasiment omniprésent sur le plateau, Nicolas Courjal vient de prendre le rôle-titre de cet opéra et l’ajouter à son répertoire. Cette basse-chantante française s’est emparée de ce rôle écrasant avec une maîtrise stupéfiante. Faisant résonner un timbre d’une belle richesse d’harmoniques automnales sur toute la tessiture, imposant une projection qui sied parfaitement à ce Prince des ténèbres, il participe avec jubilation à ce bras de fer entre Dieu et lui-même dont l’enjeu n’est autres que ce pauvre Faust. Jean-Louis Grinda n’a pas souhaité en faire un diable « qui fait peur », impitoyable, indestructible et finalement vainqueur. Il lui confère une personnalité plus légère, plus ludique. Cet ange déchu va jouer avec Faust comme un chat avec une souris. C’est une option dans laquelle Nicolas Courjal, en artiste authentique, va se fondre avec un machiavélisme redoutable. Triomphe personnel légitime.

Mefistofele – Nicolas Courjal (Mefistofele)

Comme l’est aussi celui de Chiara Isotton, Marguerite vibrante d’émotion, au soprano large, homogène, puissamment projeté, lumineux, parfaitement contrôlé. Derrière cette jeune voix à peine trentenaire se cache un authentique « blond » wagnérien, à n’en pas douter. Jean-François Borras fait étinceler son Faust au travers d’une belle ligne de chant et d’un ténor sans faille aux aigus incandescents.  Béatrice Uria-Monzon est l’Elena que l’on attendait, sculpturale, émouvante, au timbre charnu. Marie-Ange Todorovich ne fait qu’une bouchée de Marta et Pantalis, leur attribuant son mezzo d’une remarquable couleur. Andres Sulbaran, Premier Prix du Concours de chant de Toulouse en 2019, nous revient dans le double rôle de Wagner et Nereo. Le timbre est toujours aussi séduisant et bien projeté sur toute la tessiture. Il serait intéressant de l’entendre à présent dans un emploi plus exposé.

Mefistofele – Jean-François Borras (Faust) et Chiara Isotton (Marguerite)

Voilà donc la saison 22/23 de l’Opéra national du Capitole qui se termine devant, encore une fois, une salle comble en délire, réclamant encore et encore des saluts, applaudissant à tout rompre. Bien sûr la qualité des spectacles proposés justifie pleinement une telle réaction. Mais ce qu’il est important de souligner aussi c’est la présence d’un public nouveau et jeune, confirmant s’il en était besoin, dans ce renouvellement générationnel, combien l’art lyrique est dans l’ADN des Toulousains.

Robert Pénavayre

Représentations : 25, 327 et 30 juin, 2 juillet 2023

Renseignements et réservations : www.theatreducapitole.fr

Crédit photo : Mirco Magliocca

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