Disques

Les deux faces d’un Mozart intime

Les membres du Quatuor Ebène et l'altiste Antoine Tamestit (à gauche).

Après avoir abordé le grand répertoire beethovénien avec son beau projet « Beethoven autour du monde », le Quatuor Ebène investit le monde inépuisable de la musique de chambre de Mozart. Deux de ses quintettes à cordes font l’objet du plus récent enregistrement de ce bel ensemble auquel s’associe l’altiste Antoine Tamestit.

Parmi les six quintettes à cordes composés par Mozart, les numéros presque contemporains 3 et 4, respectivement K 515 et K 516, constituent un ensemble remarquable, aussi proches que dissemblables. Comme le fera plus tard Beethoven, la composition de partitions sous forme de binômes obéit probablement à un besoin d’explorer les deux faces complémentaires d’un même besoin expressif. Comme le note judicieusement Raphaël Merlin, le violoncelliste du Quatuor Ebène, dans le très intéressant livret de ce nouvel album, à la luminosité le K 515 s’oppose cette fois l’angoisse, voire la noirceur du K 516.

L’alto qui vient ici se joindre aux membres permanents du Quatuor Ebène est celui d’Antoine Tamestit, grand musicien qui transcende sa perfection technique en s’intégrant « sans couture » au groupe initial. Rappelons que l’alto était un instrument particulièrement estimé de Mozart qui le pratiquait presque autant que le clavier.

Ces deux partitions témoignent d’une inventivité, d’une imagination qui n’étonnent évidemment pas de la part de Mozart, mais s’exprime ici dans un registre d’une incroyable richesse. Les interprètes respirent d’un même souffle et réalisent un équilibre des sonorités qui ménage aussi bien les timbres individuels que celui de l’ensemble. Un vibrato mesuré, sans excès de romantisme, confère une animation naturelle à la richesse des phrasés choisis.

Les battements de la basse qui ouvrent l’Allegro du K 515 sont suivis d’un jeu d’échanges, entre tension et détente, tendresse et inquiétude. Après le sourire et la rêverie du Menuetto, les interprètes soulignent habilement le chromatisme qui accompagne le cheminement paisible de l’Andante. La joie solaire qui inonde le final Allegretto s’exprime dans un jeu de questions-réponses particulièrement optimiste.

Tout autrement résonne le K 516. Pris dans un tempo retenu, l’Allegro initial révèle une angoisse cachée au travers d’étranges hésitations des motifs. Le Menuetto et son Trio sont balisés d’accents inquiétants. C’est probablement dans l’Adagio ma non troppo qu’affleure l’émotion la plus profonde. Un mystère habité de sourdes plaintes s’y exprime avec une touchante retenue. La complexité du final s’avère remarquable. Le parfum de mort qui plane sur la partie Adagio est suivi d’une sorte de happy end de l’Allegro. Comme s’il fallait, contre vents et marée, faire confiance à un avenir heureux.

Enregistré en 2020, cet album mozartien confirme l’excellence d’un ensemble de tout première rang dans le riche panorama des grands quatuors du moment. En outre, la qualité technique de l’enregistrement rend pleine justice à ces deux interprétations.

Serge Chauzy

Album ERATO Warner Classics 1 CD – Réf. 5054197213328

Enregistré en 2020

Prix FNAC : 16,99 €

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