Le dernier roman de Jérôme Loubry nous fait accoster sur l’île de Porquerolles, caillou de 12km² à moins de 3 km de la presqu’île de Giens. Décembre 2024. Les touristes ont quasiment déserté l’endroit. Demeurent les insulaires, dont Benoît, le disquaire, marchand de vinyles, installé depuis huit ans. Il fait un orage d’enfer. C’est l’heure de fermer. C’est alors qu’il aperçoit une forme blanche étendue au sol, pas très loin de son magasin. Une jeune policière, Laurie, sur l’île depuis peu, fait son inspection quotidienne. Entendant un appel au secours, elle tombe sur Benoît lui montrant du doigt la forme blanche au sol. Le jeune homme est pétrifié. Laurie tente en vain de le calmer. La forme blanche devant laquelle ils sont penchés est le cadavre d’une jeune femme. Le problème, et premier frisson, cette femme, lui affirme Benoit, est morte il y a 5 ans déjà.
Jérôme Loubry nous entraine dans un puzzle macabre autour d’un suicide, n’hésitant pas à côtoyer un certain sens de l’animisme donnant à cette île une très forte personnalité capable de douceur comme de colères épouvantables. Tordant à l’envi la chronologie d’événements qui nous emmèneront vers un incroyable dénouement, l’auteur ajoute à une poignée de jeunes gens faisant depuis longtemps un pèlerinage estival et festif dans un manoir porquerollais qui, à l’évidence, a été le témoin lointain d’un drame atroce, une jeune fille indigène, Cassandre. Sa mère, bigote emmurée dans un deuil impossible à faire, tente tout afin que sa fille ne fréquente pas de trop près ces jeunes parisiens qui lui font miroiter un avenir enchanteur dans le cinéma. De multiples retours en arrière nous font croiser le personnage principal, Diane. Elle fait partie de ce groupe de joyeux fêtards. Ils sont tous très attentifs à elle car Diane est dépressive…
De sauts temporels demandant pas mal d’attention à des événements vous faisant sursauter, le roman de Jérôme Loubry creuse plusieurs sillons au travers d’une trame musicale que les amateurs des Doors, en particulier, apprécieront. L’insularité et son champ d’exclusivité sont au cœur du drame, tout comme le surtourisme et le trafic de drogue, mais aussi, et n’allons pas plus loin, le thème de la manipulation.
Ce roman foisonnant, riche en frissons garantis, installe définitivement, si besoin était, Jérôme Loubry parmi les auteurs de thriller les plus virtuoses de nos jours.
Robert Pénavayre
« L’Île », roman de Jérôme Loubry – Editions Calmann Lévy Noir – 414 pages – 21,90€
