Après nous avoir laissés pantelants sur la dernière page de son précédent roman : Le Passager sans visage, il était urgent que Nicolas Beuglet nous livre le dénouement de cette enquête qui n’en finit pas de nous interpeller avec acuité sur notre monde. L’Archipel des Oubliés constitue donc le dernier volet d’une trilogie entamée avec Le Dernier Message.
Nous le savions depuis l’ultime ligne du précédent roman, l’inspectrice écossaise Grace Campbell allait se retrouver en présence de sa consœur norvégienne, bien connue des lecteurs de cet écrivain : Sarah Geringën. À vrai dire deux tempéraments que tout oppose. Autant Grace est un modèle d’empathie et de calme, autant Sarah est froide, physique et réagit comme une pile électrique. Et pourtant, elles vont s’apprivoiser car leur but vient de devenir commun : faire tomber Olympe, cette multinationale entre les mains d’un fou hyperpuissant : Le Passager ou encore L’Homme sans visage. Il vient de mettre en branle la troisième et ultime étape de son plan infernal. Pour cela, et s’appuyant sur les travaux (réels) de Thomas Edison, il veut se rendre maître de toutes les âmes, y compris celles… des morts!
Sous le prétexte d’aider l’humanité à faire le dernier pas vers son essence divine, il s’est emparé d’un dossier ultrasecret abandonné par la CIA, le dossier MK Ultra, MK pour MInd Kontrol. Si la collaboration des deux femmes, malgré leurs intérêts communs, a du mal à s’imposer, la suite de leur aventure va les souder à jamais. Il faut dire qu’elles vont en voir de toutes les couleurs, frôlant maintes fois la mort. Elles finiront par accoster sur cette île battue par les vents, particulièrement inhospitalière et pourtant habitée par une communauté croyant dur comme fer à l’utopie d’une Cité idéale. C’est le début… de la fin pour les deux enquêtrices et pour le lecteur qui, enfin, pourra sereinement tourner la dernière page et laisser ralentir ses pulsations cardiaques, heureux d’un long voyage plein de suspenses et de rebondissements au cœur d’un chaos annoncé.
Creusant profondément le sillon mortifère du transhumanisme, Nicolas Beuglet, au cours de cette trilogie, met en garde contre le tout numérique et la puissance de feu mortelle des réseaux sociaux. Il ne fait aucune économie concernant le délitement de l’information aujourd’hui et les apprentis sorciers croyant œuvrer, dans leur folie progressiste, pour un bien commun… imposé.
Somptueux polar certes, mais pas que !
Robert Pénavayre
« L’Archipel des Oubliés », roman de Nicolas Beuglet – XO Editions – 400 pages – 20,90€