Nord de New York, aujourd’hui, dans les montagnes des Catskills, un jeune homme marche seul sur un pont, une voiture fonce sur lui, il l’évite mais voilà qu’elle fait marche arrière…
En quelques lignes de ce premier roman, ce qui peut s’apparenter à un thriller nous prend à la gorge. L’auteur ne va pas en rester là, loin s’en faut. Avec une économie de personnages remarquable, Benoit d’Halluin nous entraîne, au travers d’un récit de quelques heures, dans les dédales douloureux des secrets de famille et ceux, bien plus jubilatoires, des amours assouvies.
En pleine nuit, Catherine reçoit un appel totalement angoissant. Au bout du fil un inconnu, Marc, la prévient que son fils Alexis a eu un grave accident et qu’il serait urgent qu’elle se rende à New York, à l’Hôpital Presbytérien. Il est dans le coma. Marc précise aussitôt qu’il vient de prendre deux billets pour le prochain vol et qu’il l’accompagnera. Catherine le suit. Les chapitres vont se succéder dans une suite chronologique arrière qui va nous ouvrir à la jeunesse de Marc et à celle d’Alexis. A leur rencontre aussi… Catherine va alors découvrir avec un fils… qu’elle ne connaissait que partiellement. Au travers d’une écriture qui transpire l’urgence de la narration et la vie suspendue à un coma, l’auteur trace un tableau d’une douloureuse acidité de notre société, qu’elle soit américaine ou européenne. Où il est question de la déshumanisation des rencontres sur les réseaux sociaux, du rythme effréné des entreprises modernes, de ces jeunes cadres hyper dynamiques se perdant dans la performance et ne sachant plus donner sens à leur vie. Vous l’avez compris, il est ici question d’amours homosexuelles. Ce sujet, semble-t-il encore tabou de nos jours, est l’occasion pour l’écrivain, qui ne cache pas la part autobiographique de son roman, d’aborder des thèmes tels que l’homoparentalité, le coming out, celui aussi des abus sexuels. Un roman bien sombre ? Oui et non, car des envolées littéralement lyriques nous font partager l’enthousiasme et la profondeur de cette rencontre ainsi que la plénitude des rapports et des sentiments qu’elle va provoquer. Ce sont deux êtres lumineux que nous croisons alors, deux hommes qui en disent long sur notre temps, et pour qui le plus important est devenu l’amour qu’ils peuvent se donner.
Un roman bouleversant, duquel il est difficile de s’arracher et qui, de toute manière, vous restera dans le cœur.
Robert Pénavayre
« Une nuit sans aube », roman de Benoit d’Halluin – XO Editions – 352 pages – 19,90€
