Livres

« Les Effacées », le noir polar de vos nuits blanches

Bernard Minier - Photo: Eric Garault

Le 12e opus de Bernard Minier n’interrompt en rien la longue suite des succès de ce Biterrois né en 1960.  Il y a deux ans, il nous avait fait découvrir sa nouvelle héroïne, une certaine Lucia Guerrero, enquêtrice de la Guardia Civil. Ce faisant, cet auteur abandonnait Martin Servaz et notre Sud-Ouest pyrénéen, territoire de ses premiers best-sellers, pour s’expatrier dans un pays qu’il connaît parfaitement aussi, pays voisin d’ailleurs : l’Espagne et plus particulièrement la Galice. Bingo ! Le roman Lucia s’est vendu à 400 000 exemplaires et les droits d’adaptation audiovisuelle viennent d’être acquis pour une série en 6 épisodes avec, tenez-vous bien, Penelope Cruz dans le rôle-titre ! Mais revenons à ces Effacées.

La première partie du roman suit l’enquêtrice sur la trace d’un tueur en série dont le modus operandi laisse perplexe cette policière pourtant rompue à démêler les pires écheveaux criminels. Pourquoi ces jeunes victimes, des femmes qui se lèvent tôt pour aller travailler, deviennent-elles la cible de cet assassin ? Alors qu’elle est sur une piste sérieuse, voici que des crimes d’un autre genre se produisent dans la région madrilène. Ils concernent des milliardaires très en vue. Le Ministère de l’Intérieur a tôt fait d’effectuer un choix sans appel. Lucia doit tout laisser tomber en Galice pour se rendre derechef à Madrid. Peu importe que les meurtres des jeunes femmes continuent ou pas…  D’autant que dans la capitale espagnole, les assassinats sont signés « Tuons les riches ». C’est un jeune collègue de Lucia, Arias, qui reprend l’enquête en Galice…

En plus de souligner les inégalités qui fracturent notre société, ici abandonner, ou presque, l’enquête sur des meurtres concernant des personnes peu connues, des invisibles, des effacées, au profit de ceux concernant des ultra-riches, Bernard Minier s’est totalement investi dans une documentation et des rencontres sur le terrain avec les acteurs de l’UCO, l’Unité centrale opérationnelle, une brigade à la pointe de la lutte contre le crime : tueurs en série, cartels de la drogue, crimes passionnels, féminicides, kidnappings, etc. Résultat, outre son vertigineux talent de romancier et de narrateur, c’est à une abyssale plongée dans les arcanes de cette Unité que l’écrivain nous convie. On aborde au passage le thème des incels (involuntary celibates) autrement dit célibataires involontaires, une véritable idéologie soutenant l’existence d’une véritable guerre entre hommes et femmes et, en l’occurrence, ayant pour mission de défendre les droits des hommes face à l’ultra féminisme contemporain. Ceci n’est pas du domaine romancé… Si Bernard Minier réfute l’appellation de roman social à propos de son dernier livre, il ne peut s’empêcher de souligner combien, malgré tout, lui et ses confrères écrivains sont attentifs au monde qui nous entoure, aux dangers et aux ténèbres qu’il contient.

Formidable thriller, bourré de rebondissements, Les Effacées creuse également le sillon du monde de l’art contemporain, une autre passion de cet écrivain.

Bonne nouvelle, il y aura une suite. Pas dans l’immédiat car, pour l’heure, Bernard Minier renoue avec Martin Servaz. Autre bonne nouvelle, non ?

Robert Pénavayre

« Les Effacées », roman de Bernard Minier – XO Editions – 416 pages – 22,90 e

Partager