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Le train de nos cauchemars

Nicolas Beuglet - Photo: B. Lévy

Nous retrouvons ici l’inspectrice écossaise Grace Campbell, celle-là même qui nous avait accompagnés au fin fond de nos nuits dans Le Dernier message. Nous savions bien que son retour était inévitable car le lourd secret qu’elle cache chez elle derrière une porte blindée, appartient à son destin et qu’à un moment il lui faudra bien l’affronter. Aussi terrible soit-il.

Dès les premières pages du roman sous rubrique, un clignotant rouge vif vient de s’allumer sous forme d’un message que reçoit anonymement Grace sur son palier : Tu n’es pas seule à chercher.  Tu sais très bien où commence le chemin de la vérité. Le moment tant redouté est venu. Il lui faut ouvrir cette damnée porte. Sans écouter les mille hésitations de sa conscience, elle déverrouille le lourd rempart à ses cauchemars. Elle en appréhendait les conséquences. Mais pas à ce point…

Débute une enquête très particulière.  Cette enquête va conjuguer un conte, un projet et une société aussi ultrasecrète que puissante, Olympe. Pour le conte, il s’agit de celui des Frères Grimm relatant le désastre, selon la légende, que connût la ville de Hamelin le 26 juin 1284, désastre qui vit la disparition de 130 de ses enfants.  Un conte étrangement sans fées ni sorcières. Ni magie…  Drôle de conte tout de même dont la datation exacte laisse penser bien d’autre origine…

Le projet appelé du nom de son initiateur : Kentler, est beaucoup plus récent, les années 1970 à 2000 du siècle dernier à Berlin. Ce projet, validé autant par les autorités politiques au plus haut niveau que par les scientifiques du même acabit, a été mis en musique par les services sociaux berlinois. Ces derniers ont sciemment placé des enfants abandonnés chez des pédophiles au prétexte qu’ils seraient forcément aimés par leurs parents d’adoption. A cette époque-là fleurissent en Allemagne des mouvements pro-pédophiles, autant philosophiques que…  scientifiques ! Ceci, cher lecteur, n’étant plus ni un conte ni une légende.

Le lien entre le conte et le projet a tôt fait d’être découvert par Grace. Reste la société Olympe, ramassis de tout ce que la finance, la politique, les médias, l’intelligentsia, regroupe de plus puissant de par ce monde. Le Passager sans visage, leur chef, leur gourou, a déjà gagné la première manche de son horrible challenge : assécher la pensée.  Comment ?  Il a démocratisé l’utilisation des réseaux et leur vacuité. Il a starifié la bêtise grâce à la télévision. Il a répandu l’information-divertissement sans profondeur. Il lui reste à dresser les peuples à vivre avec beaucoup moins, car les ressources de la planète s’épuisent, afin que le 1% de la population qu’il représente continue de vivre toujours aussi bien si ce n’est mieux.  Pour cela, il faut que les 99% restants oublient l’esprit et l’envie de liberté. Chose difficile, sauf que le Passager sans visage a trouvé la martingale : transformer l’envie de liberté en soif de sécurité en exploitant la faille biologique du réflexe humain de protection face à la peur.

Il ne vous reste plus qu’à monter à bord de ce train fantomatique et à vous poser les bonnes questions…

Quant à Grace, elle va se trouver devant un autre défi, ayant devant elle son démon qui n’est autre que… son ange-gardien.

Bonne lecture et surtout n’envoyez pas ce livre valser à l’autre bout de votre salon dès la dernière ligne lue, votre colère sera aussi « légitime » que malvenue car la suite et la fin sont déjà à votre disposition. C’est L’Archipel des Oubliés.

A tout de suite !

Nicolas Beuglet, décidément l’un des très grands du polar français.

Robert Pénavayre

« Le Passager sans visage » roman de Nicolas Beuglet – XO Editions – 366 pages – 19,90 €

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