Il y a tout juste un an nous quittait André Tubeuf (1930 -2021). Ecrivain, philosophe et critique musical, il donnait à Actes Sud, juste avant sa disparition, son dernier ouvrage. Intitulé « L’ami Franz », il est consacré à Schubert. Mais ce qui nous est proposé ici n’est pas une énième biographie de cet immense et génial compositeur autrichien, mort à la fleur de l’âge, à 31 ans en 1828.
Creusant avec la science que nous lui connaissions, les partitions de Schubert, non pas en tant que musicologue, mais plutôt avec son regard de philosophe, André Tubeuf nous amène dans un étrange et fascinant voyage au travers des principales œuvres du musicien. Pas toutes, non, lui qui en a composé un nombre quasi incalculable, entre autres 600 lieder ! Justement, ses lieder comptent pour plus de la moitié des commentaires et réflexions dans le présent ouvrage. André Tubeuf s’attarde néanmoins sur ceux qui l’ont marqué : Winterreise, Erlkönig, Schwanengesang, Die schöne Müllerin, etc.
La rhétorique très particulière, savante, mais d’une virtuosité imparable, d’André Tubeuf, demande au lecteur une grande concentration. Qu’à cela ne tienne, l’itinéraire dans lequel il met nos pas finit par captiver puis séduire. Qu’il s’agisse de chant, de piano (ah, les Impromptus !!!) ou de musique de chambre (bien sûr Der Tod und das Mädchen), les commentaires éclairés et profonds deviennent comme une nouvelle partition dont on sent bien entre les lignes toute l’admiration de l’auteur pour ce compositeur. L’ami Franz, tel qu’il le nomme tout au long de ce livre, semble ne jamais avoir quitté le gotha de ses musiciens préférés. Il explique pourquoi avec des mots d’une intense vibration marqués au sceau de la sincérité.
Quelques coups de griffe à l’attention d’interprètes n’ayant pas trouvé grâce à ses yeux, parfois très connus…, ajoutent un piment amusant à cette lecture qui, sans aucun doute, vous donnera, si ce n’est déjà le cas, une furieuse envie de vous (re)plonger dans l’univers schubertien, mais cette fois, nanti d’un passeport vers l’émotion à l’état pur.
Robert Pénavayre
« Schubert – L’ami Franz », André Tubeuf – Actes Sud – 177pages – 19€