Festivals

Maîtrise et sensibilité

Un vif succès a légitimement couronné le récital donné par Benjamin Grosvenor dans le cloître des Jacobins, ce mercredi 25 septembre. A vingt et un ans à peine, le jeune pianiste britannique a déjà acquis une réputation de prodige de son instrument. Présent pour la première fois à Toulouse à l’invitation de Piano Jacobins, il a immédiatement séduit par son étonnante maîtrise, par la diversité de son jeu, par la simplicité de son attitude.
Il réservait aux habitués du festival toulousain un programme tel que le pratiquaient, et le pratiquent encore, les vieux maîtres du clavier. En associant un nombre confortable de compositeurs aux caractéristiques bien différentes, l’interprète brosse ainsi un tableau de la diversité de ses approches musicales. La clarté de son toucher, le soutien d’une dynamique haute en couleurs, la vitalité de ses tempi construisent des interprétations à la fois parfaitement contrôlées et néanmoins d’une grande fraîcheur spontanée.

Le jeune pianiste britannique Benjamin Grosvenor
© Classictoulouse

La qualité technique irréprochable de son toucher, sa virtuosité première, ne prennent néanmoins jamais le pas sur le pouvoir expressif. Ainsi, le Rondo Capriccioso op. 14, de Mendelssohn, qui ouvre la soirée, met immédiatement en avant la sensibilité de l’interprète, la finesse avec laquelle il construit cette pièce si poétique est admirable. Il oppose avec intelligence l’ouverture rêveuse à la vivacité de la seconde partie à laquelle il confère la vibration intense de l’ouverture du Songe d’une nuit d’été, du même Mendelssohn.

La retenue, l’intériorité de l’interprète soulignent le caractère sobrement douloureux de l’Impromptu n° 3 de Schubert. Aucun pathos ne vient souligner la pureté de la ligne mélodique toujours prédominante.

Avec la Grande Humoresque en si bémol majeur, Benjamin Grosvenor, plonge au cœur de la « Phantasie » (imagination plutôt que fantaisie) schumannienne. Les contrastes expressifs, les volte-face, les alternances de rêverie et de passion nécessitent un jeu mobile et sans pesanteur qui est celui du jeune interprète. Il réalise bien là cette succession d’« humeurs » fantasques qui caractérise l’esprit du compositeur que guette la plus cruelle des folies.

Trop ignoré du public français, le Catalan Federico Mompou, qui se qualifiait lui-même de « primitif », mêle des influences diverses qui fondent une musique pourtant très originale. Ses trois Paisajas que joue Benjamin Grosvenor, évoquent curieusement un Debussy mâtiné de Scriabine. Un étrange et bel impressionnisme aux modulations chromatiques que le pianiste fait sien. Autre compositeur rare, le Russe Nikolaï Medtner a composé une succession de 38 petites pièces intitulées Skazki (Contes de fées) dont deux sont ici abordées par le jeune pianiste. A l’Allegretto tranquillo e grazioso méditatif succède l’Allegro marciale d’une vigueur impressionnante évoquant quelque Toccata schumannienne.

Le recueil des Valses nobles et sentimentales, inspiré par Schubert à un Maurice Ravel curieux du rythme à trois temps, rassemble un bouquet de sept valses suivies d’un épilogue lent. La clarté du jeu de l’interprète y caractérise chaque épisode avec vigueur et poésie.

C’est sur une folie furieuse, en guise de clin d’œil en miroir aux valses de Ravel, que se conclut le programme du concert. Dans son « arrangement » de la Valse de Faust de Gounod, Franz Liszt atteint, ou même dépasse, les limites du jouable. Benjamin Grosvenor semble y bénéficier de doigts supplémentaires ! Il joue avec panache le jeu de la déraison, sans jamais se départir d’une certaine retenue gestuelle.

Le succès est tel que le pianiste offre deux bis, là encore très contrastés. Au fameux Tango d’Albeniz, revu par Godowsky, succède une transcription ébouriffante, par l’interprète lui-même, d’un extrait du ballet L’Âge d’or, de Chostakovitch. Nouveau délire des doigts !

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