Festivals

L’Homme armé, l’âge d’or de la polyphonie

Ainsi que le proclame, ce 9 octobre, Michel Bouvard en ouverture de concert et de festival, Toulouse les Orgues, pour sa 18ème édition, expose à tous les publics la prodigieuse diversité, dans notre région, des instruments et des musiques qui leur correspondent. En guise de première illustration, la soirée d’ouverture se déroule dans la magnifique église-musée des Augustins qui héberge l’une des consoles les plus prestigieuses de la Ville rose, l’orgue Ahrend, dont Willem Jansen célébrait en 2011 le trentième anniversaire de l’installation. Deux ensembles de premier plan font de ce concert une émouvante offrande à l’âge d’or de la polyphonie.
L’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, et cinq chanteurs du prestigieux ensemble vocal Clément Janequin (direction Dominique Visse) se retrouvent donc pour donner le signal de départ des festivités de l’orgue. Ce grand concert s’articule autour d’une partition médiévale mythique, la Messe de l’Homme armé, du compositeur franco-flamand Pierre de La Rue (1460-1518). En outre, Les Sacqueboutiers et l’ensemble Clément Janequin, à l’image de l’organisation de la messe qui prévalait à la fin du 15ème siècle, intercalent entre les épisodes de l’ordinaire de la messe, des pièces d’autres grands compositeurs de la même époque écrites sur le même thème : Jacob Obrecht, Johannes Ockeghem, Claude Goudimel, Josquin Des Prés… Le grand orgue, ici joué par l’organiste portugais João Vaz, prend également la parole à plusieurs reprises, exaltant ainsi les richesses de timbre et de registration de ce bel instrument.

Les Sacqueboutiers et l’ensemble Clément Janequin pendant le concert du 9 octobre 2013

– Photo Classictoulouse –

Le thème de l’Homme armé, issu d’une chanson célèbre du Moyen Âge, a donné naissance à de nombreuses messes écrites entre 1450 et 1500. Cette chanson profane, bien connue aujourd’hui, a été très largement exploitée, plus que toute autre, par les compositeurs de la Renaissance lors de la messe latine. Rappelons que l’origine de sa popularité et l’importance de ce thème font l’objet de plusieurs théories. Certains ont suggéré que l’Homme armé représente l’Archange Saint Michel, tandis que d’autres pensent que ce nom n’est autre que celui d’une auberge (Maison de l’Homme armé) située près des appartements de Guillaume Dufay à Cambrai. Cela pourrait aussi évoquer l’armement pour une nouvelle croisade contre les Turcs…

Quelle qu’en soit l’origine, la prolifération des pièces qui s’en inspirent joue le rôle de fil rouge de ce programme d’une prodigieuse beauté musicale, esthétique et spirituelle. Après l’ouverture du concert sur Cuatro piezas de clarines d’un anonyme, jouées sur l’orgue Ahrend par João Vaz, une série de courtes et riches partitions explore le thème de la soirée. La fusion entre les instruments et les voix tient du miracle. Les instruments chantent autant que les voix et celles-ci mêlent leurs timbres comme des instruments. Des moments d’une ineffable subtilité naissent de ces échanges. L’extrême richesse polyphonique de D’un aultre amer de Philippe Basiron, l’étonnante prolifération rythmique de la contribution de Johannes Ockeghem, la saveur des timbres convoqués par Guillaume Dufay, l’imagination rhétorique et les belles modulations de Josquin Des Prés brossent un tableau sonore à la fois hypnotique et chaleureux. On ne touche plus terre !

Musiciens et chanteurs au salut. Deuxième à partir de la gauche, l’organiste João Vaz

– Photo Classictoulouse –

Et puis les épisodes de la messe de Pierre de la Rue révèlent leur force expressive, leur imagination harmonique et rythmique étonnantes. Le Credo atteint une dramatisation incroyable, alternant puissance et douceur. Les hoquets du Hosannah et son beau passage à deux voix de dessus font merveille. Quant à l’Agnus Dei final, il couronne cette messe d’une grandeur curieusement familière et proche. Disons la beauté et la mobilité expressive des voix : celles des hautes-contre Dominique Visse et Yann Roland, d’une grande finesse de phrasé, des ténors Hugues Primard et Vincent Bouchot, si parfaitement complémentaires et la profondeur du timbre de basse de Renaud Delaigue. Les musiciens ne sont pas en reste avec les saveurs des instruments de dessus que sont le cornet à bouquin et la chalemie, respectivement joués avec virtuosité et finesse par Jean-Pierre Canihac et Philippe Canguilhem, et également la sacqueboute à la fois douce et intense de Daniel Lassalle, le basson et la doulciane indispensables de Laurent Le Chenadec. A la percussion, Florent Tisseyre ponctue ici le déroulement mélodique avec toute la retenue nécessaire. Un déroulement que Yasuko Uyama-Bouvard, à l’orgue positif, soutient de sa musicalité permanente.

João Vaz tire de l’orgue Ahrend les plus somptueuses sonorités. En particulier, la Batalha do 5° tom, du Portugais Frei Diogo da Conceição, fait frémir les voûtes de la vénérable bâtisse.

Le public, redescendu sur terre, réclame un bis. Ce sera le Kyrie d’une autre messe, cette fois inspirée, non pas de l’Homme armé, mais de la chanson Mille regrets et signé du Sévillan Cristóbal de Morales. Le bonheur est proche du ciel !

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