Festivals

La force de l’enthousiasme

Coincé entre le Brésil au Nord et l’Argentine au Sud, l’Uruguay compte une population d’environ 3.5 millions d’âmes. On imagine à peine les problèmes sociaux, politiques, environnementaux, financiers et autres que ce petit pays doit affronter depuis toujours et encore aujourd’hui. Et d’en déduire trop rapidement que la Culture est le dernier des soucis de ses gouvernants.
C’est aller un peu vite en besogne en particulier dans le domaine de la danse classique. En effet, depuis bientôt 84 ans une Compagnie de Ballet vit et se développe en Uruguay sous le titre de Ballet SODRE (Servicio Oficial de Difusion Radio Electrica), un Service qui se transforme en 1983 et devient Servicio Oficial de Difusion, Radiotelevision y Espectaculos. Cette institution détient la tutelle de cette Compagnie mais également l’obligation de la soutenir financièrement. En fait il s’agit de la Compagnie nationale d’Uruguay, troisième en ancienneté du continent américain et seconde d’Amérique. Latine.

Quijote (Damian Torio) – Crédit photo : Toti Ferrer –

Originaire de Bilbao et danseur de classe internationale, Igor Yebra en est le directeur artistique actuel. Pour la première fois invité au Festival Castell Peralada, le Ballet SODRE vient y présenter une chorégraphie de Blanca Li créée à Montevideo le 25 octobre 2018 et intitulée El Quijote del Plata. Dans un savant jeu de miroir, deux personnages vont se croiser tout le long de la soirée. D’un côté Arturo E. Xalambri (1888-1975), écrivain et bibliophile uruguayen dont la véritable passion pour Miguel de Cervantes l’a amené à constituer une collection unique au monde des œuvres du romancier espagnol, dont pas moins de 1056 éditions du Don Quichotte. Le ballet nous le montre dans un véritable état de transe, malade, littéralement possédé par le personnage à la triste figure. Pour le calmer, sa fille lui lit les aventures de Don Quichotte et, dès qu’elle ouvre un livre, un paragraphe, nous passons de l’immense chambre bibliothèque de Xalambri au décor accueillant les aventures du célèbre chevalier.

Scène d’ensemble – Crédit photo : Toti Ferrer –

Cinq chapitres de ce génial roman, le premier de l’histoire littéraire faut-il souligner, vont se succéder, s’entrecroisant avec les accès de délire de ce pauvre bibliophile, complètement hanté. Parmi ceux-ci, l’épisode des moulins bien sûr, mais aussi celui des Noces de Camacho. Entre autres. Sur une dramaturgie subtile et d’une parfaite fluidité de Santiago Sanguinetti ainsi qu’une scénographie superbe et des costumes littéralement luxueux signés Hugo Millan, Blanca Li a imaginé une chorégraphie parfaitement lisible, ce qui, pour un ballet narratif, est fondamental. Cette lisibilité se traduit par un recours sans limites à toute la grammaire chorégraphique classique, à laquelle Blanca Li ajoute cette énergie dans le mouvement si caractéristique de son style. Il n’est rien de dire qu’elle met ses 33 danseurs à rude épreuve, d’autant que le spectacle est donné non-stop.

Scène des moulins – Premier plan gauche Quijote (Damian Torio) et droite Sancho (Kauan  Soares) – Crédit photo : Toti Ferrer –

S’il faut féliciter le Corps de ballet pour sa perfection technique, sa discipline et son enthousiasme aveuglant, il convient également de souligner l’excellente tenue des solistes dont certains ont vraiment une partition écrasante à dérouler, partition dans laquelle l’engagement dramatique est omniprésent. Il en est ainsi du superbe Quijote de Damian Torio, fier hidalgo en toute situation, accompagné du non moins ébouriffant Sancho de Kauan Soares, celui-ci se situant d’emblée dans une vision burlesque du personnage.

Autre rôle écrasant, celui de Xalambri. C’est Sergio Muzzio qui revêt le costume de douleurs du « possédé cervantin », lui conférant une acuité dramatique de la plus haute intensité conjuguée à une maîtrise stupéfiante des pires difficultés techniques posées sur son rôle. Comment ne pas citer également les trois comparses des Noces de Camacho. C’est Gustavo Carvalho qui danse, tout en puissance, l’ex futur jeune marié, face à la magnifique Quiteria de Mel Oliveira, véritable paradigme de souplesse, de musicalité et de féminité.

Xalambri (Sergio Muzzio) – Crédit photo : Toti Ferrer –

Au milieu de ce duo, le Basilio de Brian Waldrep se fraie un chemin de malice jubilatoire. Petit clin d’œil au Corps de ballet lors d’une séquence intégrée à la dramaturgie, Blanca Li a donné à chaque membre de la troupe son moment de célébrité en soliste avec une très courte variation qui nous a permis d’apprécier individuellement le haut degré de technicité, d’engagement et d’enthousiasme de tout un chacun. Un moment festif chaleureusement ovationné.

C’est l’Orchestre symphonique du SODRE, ici enregistré, qui accompagne cette « navrante » histoire sur des musiques signées Teleman, Koechlin, Debussy, Ravel, Glinka, Saint-Saëns, Rimski-Korsakov et Glazounov. Un medley musical aux tonalités et rythmes subtilement ibériques habilement articulé pour épouser les mille aventures de ces héros tout à la fois pathétiques et grandioses.

Triomphe au rideau final. Mérité. Largement ! 

Le Festival se poursuit jusqu’à la mi-août avec, entre autres rendez-vous précieux, le retour d’Acosta Danza le 15 août !!!! Yuli en chair et en os !

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