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Une vision formidablement théâtrale

        Captée en direct lors du Festival de Salzbourg 2007, cette représentation du chef d’œuvre lyrique de Tchaïkovski nous plonge dans l’URSS des années 60. Le communisme, à bout de souffle, montre les dangereuses limites de son dogmatisme. Beuveries et gestes triviaux sont les sordides habitudes de ces hommes et femmes qui peuplent la maison de Larina comme la demeure du Prince Grémine. Cette vision, signée Andréa Breth, est dans la parfaite mouvance de ces metteurs en scène de l’Est pour qui la poésie a totalement disparu de notre planète lyrique. Malgré une direction d’acteur d’une formidable théâtralité et un décor tournant sidérant d’efficacité, nous sommes à des années lumière non seulement de la finesse d’une partition sublime mais également de la nouvelle de Pouchkine. Cela dit, l’approche est parfaitement cohérente en elle-même, ce qui n’est déjà pas si mal.A la tête des somptueuses phalanges du Wiener Philharmoniker, Daniel Baremboim (en tee- shirt marron ras de cou !) dirige, avec une fantastique intensité  dramatique, un plateau de grand niveau. Le mezzo allemand Renée Morloc (Madame Larina) ouvre le bal, si l’on peut dire, des surprises scéniques. Il faut la voir en train de tondre, au sens premier du terme, ses employés les uns après les autres, vêtue à peine d’un tablier largement ouvert sur sa combinaison. Il y a aussi la magnifique Tatiana d’Anna Samuil, superbe soprano et ici jeune héroïne volontaire et attachante. Ekaterina Gubanova (Olga) se tire avec panache d’un costume meurtrier. Fantastique Emma Sarkissian, cassée en deux en permanence pour incarner avec une rare émotion Filipyevna. Le baryton suédois Peter Mattei impose la morgue et l’insolence d’Onéguine avec un aplomb époustouflant, jusqu’à la confrontation finale avec Tatiana qui le trouvera en difficulté face aux flots musicaux que déchaîne alors Daniel Baremboim. Le ténor canadien Joseph Kaiser est un vibrant Lensky. Son grand air, le sommet de la partition, lui valut une véritable et justifiée ovation. Ferruccio Furlanetto n’a qu’une scène. Andrea Breth  a transformé l’aristocratique Prince Grémine en général fantoche et trivial. La basse italienne s’en sort avec…les honneurs de la guerre. Comment ne pas saluer aussi l’émouvante intervention du ténor anglais Ryland Davies, figure de l’art lyrique du 20ème siècle, ici exemplaire Monsieur Triquet qui finira bastonné par des invités avinés !Mais dans cette production, le spectateur n’en n’était plus à s’impressionner pour si peu.

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