DVD

Un sommet d’intelligence

      Ce Barbier de Séville rossinien, pour aussi connu soit-il du grand public, n’en reste pas moins l’une des œuvres pièges de ce compositeur. Faire confiance à deux ou trois airs faisant parti de l’inconscient musical collectif est loin d’être suffisant pour réussir un grand Barbier.   Comme toute comédie, cet ouvrage est beaucoup plus difficile à réaliser qu’un sombre drame. Le metteur en scène doit être en permanence à l’écoute d’une partition qui donne l’ensemble des indications, de l’atmosphère au rythme, des personnages aux situations. Les metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier sont passés maîtres dans cet exercice et leur Barbier est une magnifique réussite, un sommet d’intelligence. Avec eux, tout devient clair, limpide, et surtout évident. Chaque rôle est ici travaillé au cordeau et participe à la folie déchaînée de cette intrigue qui, pour être a priori comique, n’en recèle pas moins des abîmes de veulerie. Sur scène, une poignée de chanteurs qui figurent parmi les meilleurs interprètes de cet ouvrage aujourd’hui. Au premier rang de ceux-ci, le ténor Juan Diego Florez, Almaviva d’un charisme exceptionnel. Tout a été dit sur cette voix fruitée gorgée de soleil, ce style irréprochable, cette quinte aiguë totalement éblouissante venant couronner un art du chant incomparable. Et quel comédien ! Beau gosse, son Almaviva tient tout simplement du miracle. Un miracle d’équilibre et de musicalité. A ses côtés et dans une situation à vrai dire un peu délicate, Joyce DiDonato est une Rosina de rêve. Malgré l’accident survenu sur scène lors de la première (fracture d’un pied !), elle tint non seulement à terminer cette première… sur des béquilles, mais à continuer la série de représentations… sur un fauteuil roulant ! Evidemment, la mise en scène dût être sensiblement aménagée mais cela n’empêche en rien Joyce DiDonato d’être complètement éblouissante, confiant à son personnage une science bel cantiste aux frontières de l’extrême, un timbre d’un velours précieux et un engagement scénique que l’on devine ici largement contraint sans toutefois empêcher cette artiste de dresser un portrait convaincant de la future Comtesse Almaviva. Quel duo !Quant à leurs partenaires, tous comédiens au sommet de leur art, ils sont loin ici de ne faire que de la figuration. A commencer par le Figaro de Pietro Spagnoli au baryton incisif et à la ligne de chant particulièrement attentive, le Bartolo d’Alessandro Corbelli, maître es chant syllabique et Ferruccio Furlanetto, Basile sonore et tonitruant, peut être le seul élément légèrement en retrait dans cette distribution. En ce mois de juillet 2009, Antonio Pappano dirige les phalanges royales du Covent Garden avec un sens aigu de la dynamique rossinienne et accompagne ce superbe spectacle dans la moindre de ses intentions.Une vertigineuse réussite !

Partager