La captation en DVD de la représentation retransmise dans le monde entier le 16 janvier 2016 depuis le MET de New York est un bien beau cadeau fait aux mélomanes. Tout d’abord parce que cet ouvrage est magnifique et contient parmi les plus belles mélodies jamais écrites par le compositeur de Carmen. Inexplicablement, cela fait un siècle que la célèbre scène américaine ne l’avait pas programmé. Résultat, peu de personnes ont le souvenir de cette fameuse soirée de 1916 au cours de laquelle furent créés Les Pêcheurs de perles sur les bords de l’Hudson avec Enrico Caruso, Frieda Hempel et Giuseppe de Luca. Excusez du peu… C’est donc dans une nouvelle production que l’œuvre de Bizet est à nouveau proposée aux New-Yorkais. Elle est signée Penny Woolcock et nous plonge dans un bidonville sri-lankais, au bord de la mer bien sûr. Mélangeant tenues traditionnelles et actuelles, Penny Woolcock utilise la vidéo pour nous montrer un impressionnant tsunami mais aussi de très belles images de pêcheurs au fond des eaux. Son immense dispositif scénique est bien nécessaire à l’immense phalange chorale du MET comme d’habitude au cordeau, très musicale même si la prosodie française laisse quelque peu à désirer. O Sous la direction attentive et généreuse de Gianandrea Noseda, et peut-être en souvenir d’une telle distribution historique, Peter Gelb, l’actuel patron du MET, a réuni un cast de premier plan. Rien moins que Diana Damrau, Matthew Polenzani et Mariusz Kwiecien, sans oublier le français de l’étape, la basse Nicolas Testé qui incarne et chante ici un Nourabad aux accents… radicaux ! Le soprano ne fait qu’une bouchée du rôle de Leïla. Coutumière de personnages beaucoup plus exposés vocalement, Diana Damrau domine cette partition et lui donne au passage ses vrais accents, ce qui n’est pas toujours le cas de chanteuses de moindre envergure. Cela dit, on reste toujours confus devant ses minauderies, piégées sur écran par des plans resserrés… assassins. Et il faut attendre sa confrontation avec Zurga pour qu’enfin la cantatrice s’expose, avec bonheur d’ailleurs, dramatiquement. Marius Kwiecien, immense baryton, mozartien incontournable (Don Giovanni/Les Noces de Figaro) est aussi un remarquable comédien, il le prouve encore ici en faisant vivre jusqu’à l’incandescence son Zurga. Est-il pour autant aussi à l’aise vocalement ? Rien n’est moins sûr. Le registre supérieur est particulièrement tendu, voire change de couleur en prenant des sonorités métalliques. Reste, si l’on peut dire, le ténor Matthew Polenzani, lui qui vient de triompher sur nos écrans le 25 mars dernier dans le rôle-titre d’un Idomeneo superlatif. A tous les points de vue, son Nadir est parfait, autant dans la couleur que dans une musicalité qui trouve son acmé dans l’air Je crois entendre encore, entièrement chanté en voix mixte parfaitement maîtrisée. Un sommet follement applaudi. Malgré un costume impossible, il arrive à créer un personnage crédible et formidablement attachant. Notons à l’attention des mélomanes curieux que la version proposée ici est l’originale de 1863, celle dans laquelle le rideau tombe sur Zurga regardant s’éloigner vers la liberté Leïla et Nadir. Voilà peut-être bien la meilleure version vidéo de cet opéra.