Quel autre théâtre d’opéra au monde peut rivaliser avec le MET de New York ? Aucun ! Que ce soit au niveau des distributions, de l’orchestre et des chœurs, les propositions qui sont faites sont très souvent superlatives. Si, clairement, les productions ont du mal à suivre pour des questions de choix comme de respect d’un public que l’on sait conservateur, elles n’empêchent pas la célèbre maison new yorkaise de tenir le haut du pavé lyrique mondial. Largement. O Pour ce Faust, capté en 2011, la star est incontestablement Jonas Kaufmann. Dans le rôle-titre, il déploie une science vocale sans équivalent. Conjuguant avec une suprême habileté et musicalité des nuances inouïes dans ce rôle à une puissance de feu donnant toute sa dimension mythique au personnage, le gratifiant (?) même d’aigus supplémentaires, le ténor allemand se qualifie immédiatement comme l’un des plus grands interprètes dans l’Histoire de cet opéra. A ses côtés, Marina Poplavskaya, précieuse dans ses nuances, engagée dans le spinto d’un rôle qui, à vrai dire, la conduit aux limites de ses moyens, actrice convaincante, est finalement une Marguerite bien plus qu’honorable. René Pape ne court pas forcément après le registre grave de Méphisto, l’un des rôles piège du répertoire français. Lui aussi se réfugie dans des suraigus pas nécessairement écrits, mais cette basse aux moyens opulents finit par emporter l’adhésion. Le Valentin de Russel Braun est certainement trop au large dans l’enceinte gigantesque du MET, mais son baryton déploie de belles harmoniques et son chant est parfaitement châtié. Michèle Losier (Siébel) et Wendy White (Dame Marthe) complètent heureusement cette distribution. La production, mise en scène par Des McAnuff, situe l’action au début du siècle dernier, entre les Deux Guerres, plus ou moins dans une fabrique d’armes. Ici, Faust se suicide véritablement, mais dans un dernier sursaut de lucidité, il va vivre son rêve (la jeunesse) et son cauchemar (la damnation). C’est ce rêve éveillé qui est le sujet de l’opéra. Une scénographie un peu complexe exige de Faust et de Méphisto de monter et descendre en permanence des escaliers, ce qui, d’une part, n’est pas très malin vis à vis des chanteurs et, d’autre part, devient par la redondance du déplacement assez lassant. N’exagérons rien, le spectacle est assez plaisant à voir, même s’il ne convainc pas totalement. Sous la baguette du Québécois Yannick Nézet-Seguin, les phalanges chorales et orchestrales du MET sont, c’est bien ainsi établi depuis des lustres, parmi les meilleures au monde dans le répertoire lyrique. Et il n’est rien de dire combien le Montréalais fait flamboyer cette partition ô combien délicate, sorte de synthèse, si ce n’est d’acmé, du génie musical français en ce milieu du 19ème siècle.