DVD

Quand Rossini flirtait avec le romantisme

      Dernier des opéras « napolitains » de Gioacchino Rossini, Zelmira est créé en 1822 alors que le compositeur a 30 ans. Le présent DVD rend compte d’une représentation captée au Festival de Pesaro en 2009 alors que l’œuvre est donnée dans sa version parisienne de 1826. Dans cette version, en plus de la grande scène qui ouvre le 2nd acte, écrite pour les représentations viennoises à l’attention du contralto autrichien Fanny Eckerlin, on peut entendre les modifications importantes apportées par le compositeur et destinées à mettre encore plus en valeur les exceptionnels talents des magistraux interprètes que lui offrait le Théâtre des Italiens à Paris : Giuditta Pasta et le ténor Rubini. Au total c’est une partition dépassant les 3 heures qui est ici proposée, une partition seria écrite sur un livret dont les arcanes sont peu lisibles. O La mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti, d’un modernisme très académique aujourd’hui et dans tous les cas fort peu originale (treillis, mitraillettes, etc.), par des effets miroirs dans le décor, vus et revus des milliers de fois, n’apporte rien de novateur ni surtout d’explicatif dans cette affaire de trahison invraisemblable qui finalement, se termine par un happy end. L’intérêt est donc ailleurs. Très clairement il se trouve dans les voix. Et si vous n’avez jamais entendu Zelmira en direct sur scène, cela n’a rien d’étonnant car rares sont les chanteurs même rompus au style seria rossinien qui osent affronter une telle épreuve. Pesaro, festival Rossini oblige, a réuni ici cependant, sous la direction de Roberto Abbado à la tête des phalanges du Teatro Comunale di Bologna, une distribution de prestige. En tête de celle-ci, Juan Diego Florez est un Prince troyen exemplaire. Son Ilo est flamboyant de lumière, d’arrogance dans l’aigu, de précision et de musicalité dans un chant dont il maîtrise jusqu’à l’insolence les terribles écueils. Suprême difficulté de cet opéra, c’est la présence d’un second primo tenore dans le rôle du traitre Antenore. C’est l’Américain Gregory Kunde, véritable baryténor, avec un medium et un grave parfaitement projetés et d’une remarquable rondeur, qui incarne ce rôle peu recommandable. Lui aussi affronte avec détermination les vocalises et autres acrobaties dont Rossini a truffé cette partition. Acrobaties qui n’épargnent pas les deux clés de fa, au demeurant tout à fait louables : Alex Esposito (Polidoro) et Mirco Palazzi (Leucippo). Ce sont deux mezzos qui chantent les rôles féminins. La suivante Emma revient ici à Marianna Pizzolato. Spécialiste du répertoire rossinien, cette belle cantatrice incarne avec beaucoup d’émotion ce personnage qui prend dans cette version une toute autre envergure que dans la version initiale. Son timbre est chaud, agréable, la voix est puissante, la vocalise aérienne. Le rôle-titre, Zelmira, créé par la future madame Rossini, Isabella Colbran, échoit à Kate Aldrich. Véritable emploi de drammatico d’agilità, en fait une falcon, Zelmira pousse Kate Aldrich un peu dans ses retranchements, en particulier en termes d’agilité et d’ambitus. Cela dit, l’interprète est convaincante et elle arrive au bout de ce marathon avec pas mal d’autorité et beaucoup d’investissement dramatique. Sans être parfaite, cette version témoigne avec bonheur de la difficulté de cet opéra, ce qui explique sa rareté à l’affiche des théâtres. Pour les amoureux du seria rossinien.

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