DVD

Quand Massenet regardait du côté de Molière

        Le conte de Perrault a été repris et adapté des centaines de fois et il fallait bien que des musiciens s’en emparent. Rossini et Massenet sont de ceux-là. Mais avec le compositeur français, l’œuvre lyrique s’éloigne de l’opera buffa pour se tourner vers la comédie-ballet chère à Molière. C’est en fait un grand opéra à la française, avec un prologue, malheureusement toujours coupé, ses 4 actes et ses ballets traditionnels. O Au beau milieu du Bourgeois gentilhomme, des Précieuse ridicules ou encore du Malade imaginaire, Massenet et ses librettistes slaloment habilement entre comédie et féérie. Le casting n’est pas des plus faciles à réunir. Le rôle-titre, normalement dévolu à une soprano, est ici confié à une mezzo-soprano, Joyce DiDonato, dont le riche timbre et la suprême musicalité, si ce n’est la pureté de la prosodie, donnent une véritable épaisseur à ce charmant personnage. Cela dit, le Prince, ici Alice Coote, est confié non pas à une Falcon (souhait du compositeur), mais à une autre mezzo-soprano. Dans un premier temps, il est difficile d’imaginer le choc de ces deux voix graves. Voire de le craindre. Erreur, le talent de ces deux artistes franchit avec succès la périlleuse écriture que Massenet leur a réservée. La couleur de ces deux timbres, finalement assez différents de grain, ajoute à l’aspect féérique du propos, en particulier dans leur grand duo nocturne. Eglise Gutiérrez est une Fée tout droit sortie du Casino de Paris où elle a emprunté non seulement sa démarche voluptueusement chaloupée mais aussi un incroyable costume. Ceci étant dit, la soprano américano-cubaine se sort avec panache d’un rôle terrifiant en termes de tessiture. Reste le couple infernal, ce pauvre Pandolphe et cette épouvantable Mme de la Haltière. Très clairement, tous les deux sont au crépuscule de magnifiques carrières. Cela s’entend, dans le timbre comme dans la ligne de chant. Mais quel métier ! Jean-Philippe Lafont, malgré son remariage avec l’ignoble comtesse porte en lui toute la bonté humaine, quant à la comtesse en question, Ewa Podles, affublée de costumes indescriptibles, elle suinte la suffisance avec un talent fou. La mise en scène de Laurent Pelly, créée à Santa Fe en 2006, est partie ensuite à Londres puis à Bruxelles. C’est dans la capitale britannique, au Covent Garden, que le présent DVD a été capté en juillet 2011, avec les phalanges « maison » sous la direction pleine de charme et d’élégance de Bertrand de Billy. Une direction à l’image d’une production qui a adopté le parti-pris de la simplicité, de la candeur et de la poésie. Joli cocktail, non ?

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