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Prises de rôle en rafale

      Même s’il ne s’agissait pas d’une nouvelle production, les représentations de ce Trovatore au Staatsoper im Schiller Theater à Berlin en décembre 2013 constituaient un évènement car, à cette occasion, trois artistes prestigieux faisaient leurs premiers pas dans cet ouvrage.Au premier rang de ceux-ci le chef d’orchestre Daniel Barenboim. O Bien sûr, la partition de Verdi interprétée par la Staatskapelle Berlin est un territoire plus que sécurisé, cette phalange comptant parmi les meilleures du monde. Le maître israélo-argentin s’en empare avec nervosité, alternant vivacité presque excessive et langueurs assez terrifiantes pour les interprètes. Une plus grande fréquentation de cet ouvrage devrait lui permettre de trouver ce juste milieu dans lequel artistes et partition trouveront ces points de fusion indispensables au spectacle lyrique. La mise en scène de Philipp Stölzl, largement « discutée » à Vienne en juin 2013, n’a pas échappé au même traitement à Berlin. Reconnaissons que le parcours scénique de ce Trovatore, entre cirque, grand guignol et carnaval, a de quoi dérouter. Entre commedia dell’arte et caricature, outrance et hystérie, le pitch est parfois nauséeux et l’on en vient à se demander comment les stars présentes sur le plateau sont parvenues à intégrer pareille vision. Bref.En parlant de stars, voici donc le premier De Luna de Placido Domingo. A 72 ans, force est de reconnaître la pérennité d’un métal vocal hors du commun et d’une implication dramatique intacte. Cela dit, est-ce suffisant pour affronter une écriture dans laquelle la flamme d’un bel canto très début 19ème siècle est encore présente ? Il balen del suo sorriso apporte une réponse négative. Tout comme à Salzbourg cet été, le souffle de cet immense artiste ne tient plus la formidable ligne de chant requise pour ce rôle. Anna Netrebko n’a pas ce genre de problème. A l’apogée de sa maturité vocale, elle aborde aujourd’hui les grands Verdi, leur confiant un timbre d’un velours rare, une ligne de chant exemplaire et une musicalité sans beaucoup d’équivalent, du moins aujourd’hui. Marina Prudenskaya campe une Azucena au timbre clair mais à l’émission vaillante dans une tessiture parfaitement homogène. Remplaçant Aleksanders Antonenko, malade, c’est le jeune américain Gaston Rivero, d’origine uruguayenne, qui enfile le costume et la perruque de rocker de Manrico, un trouvère sans grand relief mais qui ne démérite pas pour autant. La surprise vient d’une jeune basse roumaine de trente ans à peine, Adrian Sampetrean. Dans le rôle relativement sacrifié de Ferrando, il donne à entendre un timbre somptueux doublé d’une technique époustouflante et d’un legato inépuisable. Du coup sa grande scène du 1er acte devient l’un des sommets de cet enregistrement ! Troupier dans de grandes salles allemandes, nul doute qu’il ne prenne rapidement son envol vers d’autres horizons. Il le mérite largement. En même temps que les magnifiques chœurs de cette institution, saluons également tous les seconds rôles, en particulier l’Ines d’Anna Lapkovskaja.

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