Le présent enregistrement de l’une des œuvres majeures de Bellini pose un certain nombre de questions, dont les réponses font froid dans le dos. Heureusement, la présence du ténor péruvien Juan Diego Florez apporte son rayon de lumière sur un constat globalement accablant. Dévoilée au public lors du festival de Bergame en 2008, la nouvelle édition critique d’I Puritani trouve ici son premier enregistrement, réalisé en direct et en 2009 au Teatro Comunale di Bologna. Très clairement, nous sommes loin de l’enregistrement du siècle si l’on tient compte de tous les paramètres. La production, signée entièrement par Pier’Alli, règle avant tout les entrées et les sorties, laissant les solistes chanter face au public et transformant le chœur en une parodie involontaire de ce que l’on ne veut plus voir à l’opéra : défilés, stéréotypes, pauses convenues. Comme la caméra manque singulièrement d’imagination, mais devant ce spectacle, on ne peut lui en vouloir, des prises de vues redondantes tentent d’animer, sans succès, un spectacle frôlant scéniquement le désastre. D’autant que la prise de son est, elle aussi, loin de ce que l’on peut attendre de nos jours. Les phalanges « maison » ne déméritent pas, sous la conduite du jeune (31 ans) chef italien Michele Mariotti. Passons rapidement sur des comprimari indignes, à l’exception de la très belle Enrichetta de Nadia Pirazzini, pour en arriver aux premiers rôles, porteurs d’autres satisfactions. Ildebrando d’Arcangelo chante un Giorgio d’une infinie noblesse, plein de compassion. Son timbre velouté, sa ligne de chant et un style irréprochable en feraient un interprète de référence si ce n’était ce manque d’assise dans le grave qui le trouve bien discret dans certains passages. Gabriele Viviani est un Riccardo volontaire, au timbre percutant, mais son art du chant, pour le moins rudimentaire, ne s’accommode que de loin avec les exigences d’une pareille partition. Avec Nino Machaidze, nous sommes dans la classe supérieure. Comédienne émouvante, elle incarne une Elvira de tout premier plan. La voix est homogène et la musicienne l’utilise avec un art bel cantiste parfaitement maîtrisé. Mais le public était là pour la star de la soirée : Juan Diego Florez. Son Arturo est d’ores et déjà entré dans la légende de ses meilleurs interprètes. Et l’on peut à juste titre se demander si, parmi eux, il n’est pas le plus grand. Bravant une tessiture démente avec une autorité hallucinante, il déploie dans ce rôle un legato d’une largeur et d’une souplesse inouïes. Tout dans son chant respire l’élégance, la beauté, le style, la grâce, l’intelligence aussi. Donc, malgré les sérieuses réserves ci-dessus, qui en disent peut-être long sur l’état du théâtre lyrique en Italie aujourd’hui, il faut acheter cet enregistrement car il contient un témoignage unique de ce que l’art du chant peut produire de plus beau.