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Piotr Anderszewski, le voyage intérieur

      Depuis ses mythiques témoignages filmés de l’inclassable pianiste canadien Glenn Gould, le cinéaste Bruno Monsaingeon nous a habitués à son approche subtile et originale de la pratique musicale des grands artistes de notre temps. Le voici qui s’intéresse à un autre pianiste dont le parcours ne suit pas les chemins balisés. D’une double origine polonaise et hongroise, Piotr Anderszewski, qui a étudié et travaillé en France est déclaré par le cinéaste « normalement hors normes » ! Son art d’interprète, qui n’est plus à prouver, le situe à part dans l’olympe des grands pianistes de notre temps. O Ce film dont il est le « héros » tente et, d’une certaine manière, parvient à lever un coin du voile de son intimité d’artiste en quête d’absolu. Contrairement à la plupart des reportages musicaux, ce témoignage, n’est pas constitué d’interview de Piotr Anderszewski, ni de déclarations péremptoires sur l’art de l’interprétation. Bruno Monsaingeon a simplement suivi le musicien au cours d’un long voyage européen effectué à bord d’un wagon particulier qu’il a fait accrocher à tel ou tel train, en fonction des lieux qu’il souhaitait visiter. Disposant d’un piano installé dans son wagon, le musicien y travaille et s’arrête au gré de sa fantaisie, commentant tel ou tel compositeur, telle ou telle œuvre, pas forcément pianistique d’ailleurs. Le piano n’est pour lui qu’un outil pour faire de la musique. Ainsi se révèle un tempérament inquiet, angoissé, lucide et si profondément authentique. Ses commentaires, en voix off, donnent parfois le frisson. Un seul exemple suffira  peut-être : « Quand je joue avec orchestre, il m’arrive de me dire : plus jamais de concertos, trop de compromis artistique, je ne veux faire que des récitals. Quand je suis confronté à la solitude extrême du récital… je me dis parfois : plus jamais de récital, c’est trop de souffrance ; je ne ferai plus que des disques. Quand j’enregistre en studio et que j’ai la liberté de répéter l’œuvre tant que je veux… où tout peut se tourner contre moi, le piano, la prise de son, mais surtout ma propre liberté, je me dis : plus jamais de studio, c’est encore plus cruel. En fait, la vraie, l’ultime tentation serait d’arrêter tout : se coucher, écouter son cœur battre et attendre tranquillement que ça s’arrête. »Cet apparent pessimisme, qui recouvre en fait une exigence extrême, débouche sur ce que l’interprète considère comme l’essentiel, la musique de Bach. A méditer profondément comme antidote salutaire au développement de la culture « people » !

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