Le vingtième siècle a vu naître et prospérer plusieurs générations de grands pianistes. Parmi les artistes qui marquent notre période, Maurizio Pollini occupe une place de premier plan. A 73 ans, celui qui est toujours resté discret et loin des mondanités, a toujours fait preuve d’un engagement sans faille pour la musique et pour les enjeux sociétaux. Le cinéaste et essayiste Bruno Monsaingeon, réalisateur de nombreux documentaires sur les artistes majeurs de notre temps, lui consacre un portrait cinématographique sensible et éclairant. O Intitulé « De main de maître », ce film ouvre une brèche dans la discrétion d’un homme qui n’a que rarement parlé de lui-même et de son art. Tout au long de sa brillante carrière, Maurizio Pollini s’est consacré à ce qui lui importe, l’authenticité musicale. Le portrait qu’en brosse Bruno Monsaingeon est à l’image de son sujet, sobre, vrai, profond. Interrogé simplement dans un cadre intime, le grand pianiste évoque les étapes significatives de sa vie et de sa carrière. LA grande date qui a marqué la révélation de son talent exceptionnel coïncide avec celle de sa victoire au Concours Chopin de Varsovie de 1960. Les images noir et blanc qui l’illustrent témoignent de la simplicité et de la modestie de ce jeune homme qui n’exprime vraiment ce qu’il ressent que lorsqu’il se met au piano. S’il évoque brièvement sa vie familiale et le rôle joué par son père, adepte de l’architecture rationaliste italienne, Pollini rend hommage aux musiciens et artistes qui ont compté dans son parcours. Claudio Abbado, complice et compagnon de route, Arturo Benedetti Michelangeli, professeur influent, ont joué un rôle important qu’il se plaît à souligner. Le portrait admiratif et tendre qu’il brosse du grand Arthur Rubinstein, membre éminent du jury du fameux Concours Chopin et qui lui prodigua des conseils fondamentaux, constitue l’un des moments émouvants de ce film.Les extraits musicaux qui balisent ce portrait rappellent opportunément ce que la grande littérature du piano doit à ce maître : Beethoven, Chopin, Schumann, Bartók… Ses liens avec les créateurs de son temps sont soulignés et habilement illustrés. Pierre Boulez, Luigi Nono, Karlheinz Stockhausen et toute l’avant-garde initiée par Arnold Schönberg, constituent pour lui un répertoire indispensable à son épanouissement d’artiste et qu’il continue de défendre avec passion.A propos de son amitié pour Luigi Nono, compositeur progressiste, Maurizio Pollini évoque également son engagement politique pour la gauche italienne et notamment le Parti Communiste qu’il rejoint, « mais seulement après qu’il eut condamné l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’armée soviétique »…La modestie de l’artiste se manifeste à travers certaines de ses réponses aux questions de Bruno Monsaingeon. Il réfute ainsi avec un sourire amusé les qualificatifs de « missionnaire » et de « pionnier » que tente de lui attribuer l’interviewer.Voici donc un témoignage, émouvant par sa simplicité, dont l’importance est d’autant plus grande que la parole du pianiste est rare.