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Les sortilèges sans fin d’un ballet fabuleux

            Asseyez-vous confortablement. Vous êtes invités au premier rang du Théâtre de la Scala de Milan en ce mois de mai 2006. Au programme, un ballet emblématique d’un genre magnifié et porté à l’incandescence par le Français Marius Petipa : La Bayadère, musique de Ludwig Minkus. Sur scène, l’un des meilleurs Corps de ballet du monde, celui de la Scala et, ce soir-là, deux de ses plus éminentes étoiles. Les balletomanes français disposent d’un trésor précieusement conservé depuis 1992 dans les cartons du répertoire de l’Opéra de Paris, c’est la version de cette Bayadère, signée Rudolf Noureev. Ce ballet étant, avant tout, une chorégraphie pour le Corps de ballet, la perfection atteinte par notre première scène nationale est, sur ce point, quasi insurpassable. O Cela dit, le spectacle que nous propose le temple scaligère est tout à fait digne d’intérêts. La chorégraphe Natalia Makarova s’inspire elle aussi du travail de Marius Petipa pour donner vie aux amours malheureuses entre la jeune bayadère Nikiya et le beau prince Solor. Nous sommes ici au royaume d’un classicisme revendiqué, d’une pureté toute cristalline. Les décors  de Pier Luigi Samaritani, les costumes de Yolanda Sonnabend et les lumières de John B. Read concourent par leur somptuosité à recréer cette ambiance des Mille et Une nuits chère aux contes et légendes d’Extrême orient. Svetlana Zakharova, artiste ukrainienne aujourd’hui étoile de la Scala, est une Nikiya superlative de grâce, d’émotion, de légèreté. Ses équilibres et la merveilleuse souplesse de ses bras conjugués à une virtuosité et une musicalité de tous les instants en font une interprète privilégiée, follement applaudie par un public littéralement en délire au rideau final. Malgré tout, la ballerine doit partager  ces acclamations avec son partenaire, le danseur italien Roberto Bolle, étoile de la Scala également. Et ce n’est que légitime même si, conformément au style de cette époque, son rôle est moins exposé techniquement que celui de sa partenaire. Cela dit, ce que nous donne à voir cet artiste à la plastique hors normes est d’une beauté, d’une sûreté, d’une élégance et d’une précision qui laissent sans voix. Formidablement émouvant, Roberto Bolle nous fait partager avec intensité le désespoir du jeune rajah Solor. Surprise, c’est un membre du Corps de Ballet du Théâtre du Capitole, Isabelle Brusson, qui s’est invité dans ce cortège prestigieux, ici dans le rôle de Gamzatti. La parfaite assurance de son art lui a fait une place d’honneur dans le triomphe de cette soirée. Comment ne pas citer également pour sa magnifique prestation toute empreinte  de souplesse « mécanique », Antonino Sutera, premier danseur de la Compagnie milanaise, ici dans le rôle court mais particulièrement périlleux de L’Idole de Bronze.Saluons enfin, pour leur contribution importante au succès de ce spectacle, le Corps de ballet, mis à rude épreuve dans l’Acte des Ombres, et l’Orchestre de la Scala sous la direction attentive d’un spécialiste mondial de ce répertoire : le Britannique David Coleman.

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