La collection « Classic archive » édite un témoignage émouvant de l’art de celui que l’on peut considérer comme l’un des plus grands, sinon le plus grand des pianistes du 20ème siècle, le Russe Sviatoslav Richter. L’essentiel du DVD est consacré au récital donné, le 29 mars 1989, au Barbican Centre de Londres. A cette époque tardive de sa carrière (il devait décéder huit ans plus tard, à l’âge de 82 ans), Richter tenait à ce que ses interventions se passent dans une quasi obscurité. Seule une faible lampe de 40 watts éclairait la partition qu’il exigeait d’avoir sous les yeux. Il tenait ainsi à ce que toute l’attention du public se porte sur la seule musique et pas sur les « grimaces » de son interprète. C’est dire le mal que se sont donnés les techniciens de la BBC pour filmer cet événement. Le résultat est saisissant. Des trois sonates de Mozart, les KV 282, 545 (dite « Facile ») et la dramatique 310 qu’il joue d’abord, l’interprète dévoile l’innocence autant que le tragique sous-jacent. C’est à Chopin qu’il consacre tout le reste de la soirée, avec huit des Etudes de l’op. 10 et quatre de celles de l’op. 25. Si le jeu reste d’une étonnante fluidité et d’une grande perfection technique, la fougue initiale de ses interprétations a cédé la place à une profondeur expressive, une grandeur tragique sans concession qui donne le frisson. Les bonus qui complètent ce concert permettent d’ailleurs de retrouver la maturité de l’artiste, filmé en 1969, dans quelques pièces de Rachmaninov et de Chopin. La comparaison de son approche d’alors de l’étude « Révolutionnaire » avec celle de 1989 est stupéfiante. L’apparente rigidité corporelle de l’artiste vieillissant délivre un message d’une profondeur, d’une sagesse qui vont à l’essentiel.