DVD

La reine Netrebko

      Captée lors de la représentation du 11 octobre 2014 au MET de New York, la performance d’Anna Netrebko dans le rôle de Lady Macbeth a toutes les chances d’entrer dans la légende de cet opéra. Dans ces colonnes, nous nous étions fait l’écho d’une représentation de ce Macbeth, en ce lieu et dans la même production, mais filmée le 12 janvier 2008. Nous retrouvons donc, si ce ne sont les mêmes interprètes, du moins la même mise en scène signée Adrian Noble. Une mise en scène d’une grande force narratrice et dramatique. O Adrian Noble fut pendant 10 ans le directeur de la Royal Shakespeare Company. Autant dire qu’il connaît le dramaturge anglais sur le bout des doigts. Ce Macbeth le prouve largement. Précipitant l’action au milieu du siècle dernier, il lui donne ainsi toute son éternelle actualité. Lutte pour le pouvoir, peuple exilé, meurtre politique, folie des hommes, tout cela n’est qu’un éternel recommencement. S’attachant aux scènes d’ensemble (les sorcières, so british, sont particulièrement réussies) comme aux scènes intimistes, il provoque en permanence des chocs visuels d’un grand pouvoir émotionnel. Une incontestable réussite qui démontre en même temps toute la révolution culturelle qui s’est emparée depuis quelques années de cette prestigieuse scène lyrique. Le nouvel intérêt de ce DVD réside donc dans la distribution. Autant le dire tout de suite, cette dernière est littéralement écrasée par la tellurique interprétation d’Anna Netrebko. A 43 ans, la soprano austro-russe aborde cette année-là ce rôle titanesque avec l’aplomb vocal que lui permet une formidable technique. Dès l’air d’entrée, nous devinons la partie gagnée. La vaillance des aigus lancés comme des javelots, le parfait appui du médium, le discret poitrinage de certaines notes dans l’extrême grave sont l’apanage du soprano dramatique qu’elle est devenue et qui, demain, aborde son premier Wagner (Elsa). La comédienne n’est surtout pas en reste. Volcanique, sensuelle, manipulatrice, troublante, elle est ici cette Lady venimeuse dont nous rêvions. Difficile d’exister à ses côtés… Magnifique il y a six ans dans le DVD cité ci-dessus, Zeljko Lucic, s’il incarne encore dramatiquement un rôle qu’il a fait sien depuis longtemps, ne peut cacher un timbre aujourd’hui dégradé. Certes, la ligne de chant est toujours là et c’est important, ce qui rend digne d’écoute son interprétation. René Pape n’a pas la vocalité d’un Banco. Cette basse aux moyens considérables et en adéquation complète avec le répertoire wagnérien a du mal à se glisser dans les arcanes du legato verdien. Joseph Calleja, ténor admiré par la planète entière, au phrasé impérial, a malgré tout le lourd handicap d’un grelot dans la voix particulièrement gênant. Affaire de goût. Les chœurs, préparés par Donald Palumbo sont, comme d’habitude, somptueux. Fabio Luisi conduit musicalement ce drame avec passion et un sens profond du cantabile verdien.Un autre regret pour terminer, l’ensemble des entretiens avec les artistes n’est pas traduit, alors que l’opéra est sous-titré en 6 langues ! Dommage.En conclusion, et même si nous pouvons formuler certaines réserves, finalement mineures, ce Macbeth, de par la personnalité hors du commun de sa Lady, est indispensable.

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