DVD

La plus belle voix du monde pour les 125 ans

                de La Croix Rouge En cette soirée du 8 mai 1995, les londoniens ont répondu présent et se sont précipités en masse pour emplir l’immense vaisseau du Royal Albert Hall, une salle à l’architecture stupéfiante pouvant contenir très exactement 5544 places. Les raisons de cet empressement sont multiples. Certainement en premier : venir en aide à La Croix Rouge, puisque ce concert est organisé à son profit, mais il y a fort à parier que le plaisir d’entendre à cette occasion le plus grand ténor de l’histoire de l’art lyrique a dû sérieusement aussi les motiver. La présence de la Princesse Diana donnait, pour les Anglais, un lustre supplémentaire à cette soirée. Si ce concert n’est pas, à vrai dire, un récital Pavarotti, au sens propre du terme, on n’en est pas loin tout de même puisque sur les 19 plages de ce DVD, Big Luciano est présent sur 10. Somptueusement accompagnés par le Royal Philharmonic Orchestra sous la direction de Leone Magiera, c’est en fait une poignée des meilleurs artistes lyriques du moment qui se sont produits ce soir-là. Et pas forcément dans des standards roucoulés aux quatre coins de la planète à longueur de soirées. Loin s’en faut ! A tout seigneur… Luciano Pavarotti est alors au faîte de ses moyens vocaux. La règle de la soirée étant de chanter en duo, trio ou quatuor, il ne l’enfreint qu’à deux reprises. O Tout d’abord pour ouvrir la soirée, manière de chauffer la salle avec un Recondita armonia (Tosca/Puccini) sans grand danger pour lui mais qui a le don d’électriser un public immédiatement aux anges. Il recommencera l’exercice en milieu de programme, la voix s’étant bien installée, avec la scène beaucoup plus tendue que Verdi a incluse dans le dernier acte de son Macbeth à l’attention de Macduff : Ah, la paterna mano. L’un des plus beaux airs pour ténor de toute la littérature verdienne. Ce qui n’est pas peu dire. Accompagné de son Azucena préférée, Dolora Zajick, il chante aussi ce merveilleux duo extrait du dernier acte d’Il Trovatore de Verdi, puis, avec la Violetta de Nuccia Focile, nous assistons aux derniers moments entre les deux amants : Parigi, o cara (Traviata/Verdi). Grand moment encore lorsqu’il affronte, lunettes rouge vissées sur le nez et cramponné à une partition qui n’a jamais été dans les chevaux de bataille du ténor, le Don Carlo de Leo Nucci dans le tellurique duo du dernier acte de La Forza del destino (Verdi). Puis c’est le pathétique duo du 3ème acte d’Otello (Verdi) dans lequel il va croire confondre la Desdemona de Kallen Esperian : Dio ti giocondi. Un autre duo ne tarde pas à nous montrer les deux bohèmes les plus célèbres de tout l’art lyrique dans leur poignant bilan existentiel du dernier acte de La bohème de Puccini : In un coupé ? cette fois avec la complicité de Dwayne Croft. Au programme également de Luciano Pavarotti ce soir-là, le bouleversant trio du 3ème acte d’I Lombardi (Verdi) : L’acque sante del Giordano, avec Kallen Esperian et Francesco Ellero d’Artegna. C’est dans un bis réclamé par une salle en délire que Luciano Pavarotti se présente à nouveau seul et dans un air extrait du 1er acte de la Manon Lescaut de Puccini : Tra voi belle, un air qu’il fait précéder, intentionnellement bien sûr, de son cours récitatif dans lequel il dit : « Si cela peut vous faire plaisir, je vais vous satisfaire promptement ». Joli clin d’œil bien en situation. Second bis, un peu plus conventionnel et choral, le célèbre Brindisi du 1er acte de La Traviata de Verdi chanté par l’ensemble des participants à ce gala, y compris par Piero Cappuccilli qui fait ici sa seule apparition sur ce DVD, n’ayant été aucunement retenu pour ses interventions dans le montage de la présente captation. Il est alors âgé de 66 ans… Revenir sur la voix du ténorissime, c’est revenir sur un organe dont on ne se lasse pas d’écouter les mille splendeurs : timbre, ambitus, phrasé, éclat, émission, rondeur. Du très grand art qui explique bien pourquoi cet artiste a su littéralement magnétiser par sa voix les publics les plus variés et les plus exigeants.Mais ce concert est aussi l’occasion d’entendre d’autres voix tout ce qu’il y a de bien plus qu’honorables. Et tout particulièrement le baryton Dwayne Croft, superbe Silvio dans le magnifique duo du Pagliacci de Leoncavallo : Nedda ! , puis Marcel dans le sublimissime quatuor du 3ème acte et le duo avec Rodolphe du dernier acte de La bohème de Puccini, à tomber à genoux également son Hamlet dans le duo du 1er acte de l’opéra éponyme : Doute de la lumière, enfin dans le duo final d’Eugène Onéguine. Un baryton lyrique dans la splendeur d’un timbre d’une belle franchise, doté d’une voix parfaitement homogène dans toute la tessiture et un musicien exceptionnel doublé d’un authentique artiste dramatique. Superbe ! Bien sûr, il convient de citer tous les autres  participants. Kallen Esperian, lumineuse Nedda, bouleversante Mimi, pathétique Aïda, désemparée Desdemona, émouvante Giselda et pétillante Violetta (Brindisi final). Il y a aussi la soprano Nuccia Focile, Musette vipérine, Marguerite désespérée dans le trio final du Faust de Gounod, Violetta au bord de l’abîme au dernier acte de La Traviata, courageuse Tatiana au moment de la séparation finale dans Eugène Onéguine, Violetta aussi dans le Brindisi final ; le ténor Giuseppe Sabbatini est alors au sommet de sa carrière, imposant un phrasé et une musicalité exemplaires et un registre aigu souverain, ici dans Faust (trio final), Rodolphe (La bohème), Mantoue (duo avec Gilda / Rigoletto/Verdi), Nemorino (L’elisir d’amore/Donizetti) et bien sûr Alfredo dans le Brindisi final ; la basse Francesco Ellero d’Artegna, Méphisto (Faust/Gounod) et l’ermite dans le trio d’I Lombardi, superbe de puissance, de legato et d’harmoniques profondes ; la mezzo Dolora Zajick, telluriques Azucena et Amnéris ; Leo Nucci, lui également dans ses plus belles années, incisif et vindicatif Don Carlo (La Forza del destino/Verdi) comme truculent Belcore (L’elisir d’amore/Donizetti), enfin, last but not least, Natalie Dessay, dont on peut imaginer sans peine la splendeur de son Ophélie (Hamlet/Thomas) comme de sa Gilda (Rigoletto/Verdi). Du beau monde, rien que du beau monde, dans un programme difficile pour chacun et pour une cause que l’on ne peut que saluer. Une très belle soirée, devenue quasiment légendaire, que l’on peut mettre sans hésiter dans sa DVDthèque !

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