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La Belle façon Twilight

      Il faut bien mal connaître Matthew Bourne pour imaginer l’ombre d’une seconde que sa Belle au bois dormant serait un simple avatar de celle qui fut présentée pour la première fois le 15 janvier 1890 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, sur une chorégraphie de Marius Petipa. Sa vision du Lac des cygnes ne pouvait d’ailleurs laisser aucun doute sur le sujet. Une seule chose demeure en commun avec l’antique ancêtre saint-pétersbourgeois : la musique de P. I. Tchaïkovski. Et encore. En effet la partition intégrale du compositeur russe est largement surdimensionnée pour s’ajuster aux spectacles de Matthew Bourne. Celle-ci est donc réduite de moitié mais conserve les pages les plus célèbres. O La dramaturgie des frères Grimm et de Charles Perrault en prend aussi pour son grade. Cent ans de sommeil, c’est long, surtout lorsque le coup de foudre entre Aurore et le jardinier Leo (alias Désiré dans l’original) intervient avant l’endormissement du château. Une seule solution, transformer Leo en… vampire. Et comme, au final, Leo veut vivre éternellement avec Aurore, il lui fait le baiser sanglant. Et plus, puisqu’ils donneront le jour à un petit vampire ailé. Si vous avez vu, ou lu, la saga Twilight, normalement, cela doit vous rappeler furieusement quelque chose. Pourquoi pas car nous sommes clairement ici dans une vision de comédie musicale. Mais le chorégraphe ne s’arrête pas là. Il donne à chacune des étapes de la vie d’Aurore, un style de danse, une ambiance scénique, des costumes. En un siècle les choses évoluent et l’on n’est pas surpris de voir des jeunes devant la grille du château endormi se prendre en photo avec des i phones. Facétieuse, iconoclaste, pleine d’humour et d’émotion, cette relecture pourra choquer les puristes mais comblera les curieux. Les comblera d’autant que la danse n’est pas reléguée aux oubliettes, loin de là. Quelques ensembles, solos et pas de deux nous rappellent par leur grammaire combien ce monde est celui de la poésie, de la légèreté, de la musicalité et surtout de l’élégance. Si l’Aurore d’Hannah Vassallo, parfaite technicienne, n’a pas le charisme de son partenaire, il faut reconnaître que ce dernier : Dominic North, est un Leo stupéfiant d’engagement. Il a à son répertoire toutes les grandes réalisations de Matthew Bourne et nous montre encore une fois ici la totale maîtrise du style de ce chorégraphe, tout à la fois proche et lointain de la grande tradition académique. Saluons également la véritable performance d’Adam Maskell, tour à tour Fée Carabosse et son fils Caradoc. Une vision gothique clairement assumée et affichée !

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