DVD

Keenlyside – Villazón, un duo dramatiquement sensationnel

      Ces représentations de Don Carlo (version Modène 1886) au Covent Garden de Londres en 2008 marquèrent les débuts d’une période douloureuse pour le ténor mexicain Rolando Villazón. Elles démontrèrent également la difficulté à distribuer cet ouvrage, certainement le plus lourd de Giuseppe Verdi. Succédant in loco à Luchino Visconti dans cette œuvre, Nicholas Hytner signe ici une mise en scène particulièrement efficace et chargée d’émotion, dans des décors d’une sobriété malgré tout évocatrice et de somptueux costumes.   La captation du présent DVD reprend trois représentations, subterfuge vraisemblablement nécessaire au naufrage dans lequel Rolando Villazón commençait à se débattre. Inutile d’épiloguer sur une prestation vocale dont on sent bien à plusieurs instants la fragilité, et ce malgré de beaux moments. Par contre, son Infant est absolument sidérant d’émotion. L’engagement dramatique de cet artiste dans ce rôle est total, hallucinant d’intensité, bouleversant de vérité. Les mêmes mots peuvent être employés à l’adresse de Simon Keenlyside, Posa superlatif, remarquable musicien, même si, à l’évidence, la vocalité de ce baryton exceptionnel est assez éloignée des standards requis dans ce répertoire. Leurs nombreuses confrontations sont autant de moments dramatiques d’anthologie. C’est aussi sur ses qualités scéniques que se concentrent les atouts du Philippe de Ferruccio Furlanetto. Coutumière de cet emploi depuis de nombreuses années, la basse italienne en possède la moindre nuance psychologique et pallie ainsi un timbre ayant aujourd’hui perdu beaucoup de sa splendeur. La soprano russe Marina Poplavskaya, outre un vrai physique de star, ne possède pas les qualités intrinsèques de couleur et de projection d’un soprano verdien. Cela dit son interprétation finit par convaincre grâce à un art du chant consommé et de réelles qualités de comédienne. Le cas de la mezzo-soprano Sonia Ganassi est plus complexe car son organe est bien trop léger pour caractériser vocalement ce personnage par qui tout le malheur arrive. Avec l’alto du Requiem, cette Eboli est sa seule incursion verdienne. Et c’est une erreur car cette magnifique Adalgisa n’a rien à voir avec les personnages autrement dévastateurs imaginés par Verdi. Saluons le tellurique Inquisiteur d’Eric Halfvarson et le noble Moine de Robert Lloyd.Antonio Pappano dirige les phalanges du Royal Opera House avec un sens profond du drame mais aussi un respect attentif à l’ineffable cantabile qui sous-tend cet opéra fleuve en cinq actes.

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