Impressionnante personnalité que celle de la jeune Julia Fischer. Et étonnante performance que celle que relate ce DVD réalisé au cours du concert donné le 1er janvier 2008 à l’Alte Oper de Francfort. Universellement connue et fêtée pour son exceptionnel talent de violoniste, cette très belle artiste enchaîne au cours de la soirée deux concertos, l’un pour violon et orchestre, l’autre pour… piano et orchestre ! En marge du film de ce véritable exploit, une longue interview de la musicienne nous en dit plus long sur son histoire et son parcours. Elle commence le piano à l’âge de trois ans et se met au violon deux ans plus tard, car il n’y avait qu’un seul piano à la maison et elle devait attendre que sa mère et son frère, de quatre ans son aîné, lui permettent de s’exercer ! Lauréate du concours Yehudi Menuhin en 1995, à l’âge de 11 ans, elle est nommée professeur au conservatoire de Francfort dès l’âge de 23 ans, faisant ainsi d’elle la plus jeune lauréate du concours et la plus jeune « Professorin » d’Allemagne. Elle refuse pourtant avec force le qualificatif d’« enfant prodige » dont elle conteste la légitimité. Pratiquant plutôt le piano lorsqu’elle joue pour elle seule, elle a longtemps hésité entre les deux instruments. Pour le concert de nouvel an gravé sur ce DVD, elle décide de se lancer dans l’aventure avec le 3ème concerto pour violon de Saint-Saëns qu’elle a longtemps joué dans son enfance et l’unique concerto pour piano de Grieg, tout simplement parce que Grieg n’a pas composé de concerto pour violon ! Elle s’associe pour l’occasion à l’orchestre de la « Junge Deutsche Philharmonie », composé de musiciens de 18 à 28 ans, et au chef d’orchestre Matthias Pintscher, un familier, par ailleurs compositeur. Le résultat est confondant. Son jeu brillant mais sensible, ses phrasés élégants et raffinés confèrent au concerto de Saint-Saëns sa profonde musicalité que certaines interprétations enfouissent sous une virtuosité un peu factice. On ne peut également qu’admirer la complicité touchante de la soliste avec le chef, mais aussi avec chaque musicien, aussi jeune qu’elle, de la formation. Les sourires échangés témoignent de cette chaleureuse fusion. Un andantino frémissant d’émotion, un final jubilatoire font la réussite de cette interprétation.De l’archet au clavier, Julia Fischer déploie dans le concerto de Grieg un toucher d’une éblouissante clarté, une aisance virtuose, une ardeur réjouissante. La fameuse cadence du premier allegro fuse comme un feu d’artifice. Là aussi, la soliste attache une attention toute particulière aux interventions des musiciens de l’orchestre avec lesquels elle établit ainsi un dialogue permanent. Une artiste à découvrir ici dans sa complexité et sous tous ses aspects.