Le matin du 10 novembre 1989, le monde s’éveillait au bruit des pioches contre le mur de Berlin. Une page importante de l’histoire se tournait. Mstislav Rostropovitch venait jouer une suite de Bach devant ce mur en démolition. Le jour de Noël de cette année-là, le chef d’orchestre américain Leonard Bernstein réunissait quatre solistes internationaux, des choristes de Bavière, de Berlin et de Dresde, des musiciens de Dresde, de Leningrad, de Londres, de New York et de Paris. Sous sa direction était donnée, dans la salle du Schauspielhaus, du côté est de Berlin, une version oecuménique de la 9ème symphonie de Beethoven. Au dehors de la salle pleine à craquer, des milliers de spectateurs anonymes assistaient médusés au concert retransmis sur écran géant. L’événement n’était évidemment pas seulement musical. Au point que Bernstein lui-même avait modifié le texte de Schiller utilisé par Beethoven pour le final de sa symphonie. « L’Ode à la Joie » était devenue « L’Ode à la Liberté », le mot Freiheit (liberté) remplaçant alors le mot Freude (joie). Cette foule de musiciens et de chanteurs issus des horizons les plus divers offrirent ainsi au monde bien plus qu’un simple concert. Ils adressèrent à tous un message de fraternité et de liberté. Ce moment historique fut alors retransmis par les télévisions de plus de vingt pays. L’enregistrement sonore fut publié rapidement. Un morceau du mur, relique touchante de l’événement, était d’ailleurs joint au coffret. Vingt ans après, voici que paraît le DVD de l’événement. L’émotion reste palpable tout au long de la soirée. L’interprétation transcende évidemment tous les critères musicaux habituels. Leonard Bernstein rassemble dans une même ferveur tous les musiciens et tous les chanteurs citoyens du monde. L’adagio, tel une immense méditation, constitue peut-être le moment le plus bouleversant de la soirée. Le chœur d’enfants de la Philharmonie de Dresde apporte une charge expressive supplémentaire à l’interprétation quasi cosmique du final. L’ovation du public est à la hauteur de l’exception. Il s’agit bien là d’un document historique.
