Saluons comme il convient la parution en dvd d’un opéra complètement absent des scènes lyriques. Ou quasiment. Créée en 1914, œuvre d’un jeune musicien de 30 ans, Riccardo Zandonai, Francesca da Rimini tient son livret d’une pièce de Gabriele D’Annunzio, elle-même inspirée de la Divine Comédie de Dante. C’est une soirée au MET de New York (avril 1984) que nous propose aujourd’hui Universal sous son prestigieux label jaune DGG. Sorti aux USA en 1999, voici enfin ce dvd compatible pour l’Europe. Profitons-en car l’occasion est rare d’entendre et encore plus de voir cet ouvrage postromantique dans lequel passent les ombres de Debussy et Wagner. La superbe mise en scène de Piero Faggioni, alternant avec bonheur les moments de grande violence et ceux de la plus extatique intimité, se déploie dans des décors et costumes préraphaélites de toute beauté signés Ezio Frigerio et Franca Squarciapino. Dans le rôle terrifiant du Boiteux, le vétéran Cornell Mac Neil incarne la force aussi brute qu’aveugle au travers d’un baryton d’airain et d’un engagement dramatique hallucinant de puissance. Placido Domingo, au faîte de ses moyens vocaux, fait éclater toute la jeunesse et la fougue de Paolo le Beau. Malatestino le Borgne, un rôle terriblement tendu vocalement, trouve en William Lewis un interprète sincère et authentique. Mais la star de la soirée était, légitimement, Francesca. Le MET l’avait offerte à l’immense Renata Scotto, une cantatrice négociant alors, avec le succès que l’on sait, un prudent changement de répertoire. Malgré un jeu de scène plus que modeste, un véritable triomphe attendait le soprano italien. Isola Jones se révéla une magnifique, et sculpturale, Smaragdi. James Levine, à l’évidence, sait se rendre complice de cette partition semée de pièges et demandant un doigté subtil. Les phalanges du MET, dans tous les cas, sont bien à l’unisson de cette œuvre mettant la passion à feu et à sang.