DVD

Et si l’on tenait une version de référence…

            Capté en direct sur la scène du Festival de Pesaro en 2013, ce spectacle qui met en scène le plus fameux héros helvétique est une réussite que l’on peut qualifier de tout premier plan eu égard à la difficulté de l’ouvrage. O Ne tournons pas plus longtemps autour de la problématique majeure : le ténor. En effet, malgré son titre, cet opéra donne le premier rôle non pas au champion du tir à l’arbalète, mais à Arnold, jeune Suisse tiraillé entre patriotisme et affaire de cœur avec… une autrichienne ! Très clairement Rossini lui a attribué le haut du podium et l’un de ses airs (Asile héréditaire) est même devenu un standard pour la gent ténorisante avide de faire valoir sa quinte aigu. C’est Juan Diego Florez qui a été retenu par ce Festival pour interpréter Arnold. Son chant parfaitement timbré et vaillant, son français idéal, l’homogénéité de la projection, l’impérieux éclat du registre supérieur, le discours musical et formidablement nuancé tant en termes de dynamique que de phrasé, tout cela en fait un vrai modèle qui réunit deux approches vocales du rôle. D’une part, celle de son créateur, Adolphe Nourrit, issu de l’école belcantiste et formé par Manuel Garcia, d’autre part, celle de celui qui a perverti à jamais cet emploi, Gilbert Duprez et son monstrueux ut de poitrine. Perverti car, à partir de cet « exploit », ce sont les ténors romantiques chers à Giuseppe Verdi qui se sont emparés de ce rôle tout en finesse pour le stentoriser de manière sportive. Au siècle dernier, Tony Poncet ne fut pas le dernier à s’inscrire dans cette « esthétique ». C’est dire ! L’Arnold de notre temps est bien péruvien et aucun autre ne peut lui être comparé. L’autre rôle important n’est toujours pas Guillaume mais Mathilde, cette princesse autrichienne dont Arnold est tombé secrètement amoureux, une liaison qui, à vrai dire, disperse un peu la trame patriotique du sujet et donc de l’œuvre. C’est un rôle difficile vocalement, une sorte de jonction entre deux époques et qui annonce le soprano grand lyrique, voire lirico spinto par moment. La jeune soprano lettone Marina Rebeka, alors âgée, si l’on peut dire, de 33 ans, s’empare de ce rôle avec une incroyable autorité et lui confère une élégance de style et de musicalité tout à fait enthousiasmante. Même si elle devrait mieux maîtriser son français, elle trace un portrait vocal encore une fois ici tout proche de l’idéal. Et le héros, dans tout cela ? C’est le baryton italien Nicola Alaimo qui, dit trivialement, s’y colle. En fait, si l’on excepte, mais peut-on l’excepter (?), sa courte scène de la pomme, il est presque un personnage secondaire. Aucun exploit vocal à la clé pour cet emploi, mais la nécessité d’une forte présence scénique. Et de cela Nicola Alaimo n’en manque pas. Cela ne cache en rien un timbre somptueux de plénitude, un legato magnifique et une émission d’une rondeur exemplaire. Les autres rôles, nombreux, sont à peu près bien tenus, si l’on met à l’écart le surprenant, au sens négatif du terme, Ruodi du ténor Celso Albelo qui chante son seul et magnifique air avec une vaillance totalement déplacée, dans un français catastrophique et sans musicalité aucune. Soulignons tout de même le Jemmy impeccable de naturel et d’autorité vocale d’Amanda Forsythe et la très belle Hedwige de Veronica Simeoni. Michele Mariotti nous fait redécouvrir cette partition Dès les premières mesures de la célèbre ouverture, on ressent une vibration nouvelle, une puissance régénératrice souffler sur cette musique mille et mille fois entendue. Couleurs, dynamiques, phrasés, transparence des pupitres, rythmes, nous sommes au cœur de la pensée rossinienne. Et c’est un bonheur de chaque instant. La mise en scène de Graham Vick, dans les décors et costumes de Paul Brown, ne révolutionne pas l’histoire, si ce n’est en lui faisant faire un bond en avant de quelques siècles dans le temps. Rien que de très académique de nos jours. Le plus intéressant, scéniquement, est certainement le traitement des épisodes dansés. Dans une chorégraphie de Ron Howell, les ballets écrits par Rossini deviennent les témoignages des humiliations subies par les Suisses. A ce titre, celui du 3ème acte est un moment d’une violence extraordinaire. Même si le final fait furieusement penser à celui de l’Or du Rhin, il n’en possède pas moins une certaine grandeur et un remarquable potentiel émotionnel. Mais, clairement, l’intérêt de ce DVD est ailleurs. Vous l’avez, je suis sûr, bien compris.

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