DVD

Entre politique et paternité, un chef-d’œuvre délaissé

      Simon Boccanegra accèderait-il enfin à la notoriété qui lui revient ? Après la nouvelle production affichée par le Capitole de Toulouse en octobre 2009, après plus d’un quart de siècle d’absence dans la Ville rose, voici que le Covent Garden de Londres lui offre également une nouvelle production et une star, le ténor Placido Domingo, dans le rôle du baryton… Simon Boccanegra. Certes, ce célèbre chanteur espagnol, qui vient de passer le cap des 70 ans, flirte, tout jeune, avec les rôles de baryton, mais c’est tout de même très rapidement qu’il aborde les emplois de ténor.   Bien sûr il est honnête de reconnaître que le registre aigu n’a jamais été son point fort, aussi n’est-il pas étonnant, vu l’ambitus de cet artiste, de le voir fréquenter, au disque ou à la scène, des rôles de baryton comme Don Giovanni, Rigoletto, Le Barbier de Séville et aujourd’hui Simon Boccanegra. Ce dernier personnage est l’un des plus beaux de Verdi, un personnage complexe dans lequel passe en permanence la figure du père comme celle du tribun politique. Placido Domingo y est dramatiquement royal. Cela dit sa véritable tessiture prend le dessus en termes de projection et si le registre aigu de cet emploi de baryton est somptueusement rendu, les notes du bas medium et du grave manquent d’impact, particulièrement dans la scène de la chambre du conseil. Cette réserve ne peut occulter la magnifique musicalité qui accompagne, tout au long de cette représentation de juillet 2010, le chant de cet artiste hors du commun.  Il était difficile de trouver un cast à sa dimension. Saluons cependant la musicienne exceptionnelle qu’est Marina Poplavskaya, une Amelia qui ne possède pas le rayonnement d’un vrai soprano verdien malgré tout, Joseph Calleja, Gabriele plein de fougue vocale mais piètre comédien, Ferruccio Furlanetto, Fiesco au phrasé remarquable, Jonathan Summers, Paolo effrayant de duplicité et de haine.Les chœurs et l’orchestre du Royal Opera House Covent Garden de Londres figurent parmi les meilleures phalanges lyriques du monde. Ils nous le prouvent encore sous la direction d’Antonio Pappano, maestro attentif aux moindres subtilités d’une partition (version 1881) qui n’en est pas avare. La production, mise en scène par Elijah Moshinsky, se situe dans une saine tradition qui laisse aux interprètes les espaces d’expression propres à libérer leur chant.Au-delà de tout, un témoignage inestimable de l’un des plus grands artistes lyriques de l’Histoire du chant.

Partager