COUP DE CŒUR Pour la nouvelle génération de mélomanes, le visionnage et, surtout, l’écoute d’un pareil DVD doit s’apparenter à de la science-fiction. Imaginer sur scène, dans l’un des grands chefs-d’œuvre verdiens, rien moins que Montserrat Caballé, Piero Cappuccilli, José Carreras, Nicolaï Ghiaurov et Sesto Bruscantini. C’était le plateau que pouvait alors aligner la Scala de Milan en ce mois de juin 1978. La date n’est pas neutre car elle signifie à elle seule que tous ces chanteurs étaient alors à leur zénith. Et quel zénith ! La diva catalane chante une Leonora stupéfiante de beauté vocale, de musicalité, de sensibilité. Ses légendaires sons filés nous font littéralement perdre pied. Quelle maîtrise du cantabile ! Quelle splendeur de timbre ! Quel contrôle du souffle ! Quelle technique bel cantiste ! Tout est superlatif dans son art. Un monument ! Ne lui cédant en rien, son compatriote José Carreras donne un vrai relief au rôle si délicat d’Alvaro. Sa vaillance et son timbre solaire, son legato et son engagement dramatique font ici merveille. Le Carlo de Piero Cappuccilli n’est plus à présenter, tant la rondeur de son émission, la beauté du timbre et le phrasé tracent un portrait vocal hors norme. Quant à Nicolaï Ghiaurov en Padre Guardiano, si ce n’est pas du grand luxe, il s’en faut de peu, la splendeur de cette voix n’ayant jamais été égalée. Quelle noblesse de ton ! Quelles harmoniques fabuleuses ! Si l’on peut regretter du bout des lèvres la Preziosilla de Maria Luisa Nave, un rien triviale à côté des splendeurs qui l’entouraient, saluons des seconds rôles somptueux : Giovanni Foiani (Calatrava), Sesto Bruscantini (Melitone), Mila Zanlari (Curra) et l’inusable Piero de Palma (Trabuco). La production, signée Lamberto Puggelli (mise en scène) et Renato Guttuso (décors et costumes) n’appelle pas de commentaires particuliers. Par contre un immense bravo aux phalanges milanaises sous la direction de Giuseppe Patané. Dans leur arbre généalogique, elles sont imbattables.Un DVD historique, un vrai devoir de mémoire.
