DVD

Dans la lumière d’Amelia Grimaldi

      Le Simon Boccanegra de Verdi ne provoque jamais l’enthousiasme des mélomanes. Il en est ainsi des œuvres dont les débuts furent chaotiques et qui connurent ensuite des révisions. Et pourtant que de merveilles dans cet ouvrage qui contient certainement le plus beau portrait masculin de toute l’œuvre verdienne, celui de Simon Boccanegra, ce corsaire devenu Doge de Gênes en 1339.   Aussi grand interprète dramatique que ténor d’exception, parvenu aujourd’hui à l’aube de ses 70 ans (captation live Scala de Milan 2010), l’Espagnol Placido Domingo ne pouvait que se laisser tenter par ce rôle somptueux (qu’il a d’ailleurs déjà enregistré lors de sa prestation au Met de New York) écrit dans une tessiture relativement centrale et qui s’accorde bien avec ses moyens vocaux actuels. Même si l’émission est aujourd’hui un rien tendue, force est de constater l’extraordinaire climat dramatique dont il entoure Simon. Que de force, de désespoir, de tendresse, d’humanité dans ce portrait qui rarement trouva pareil interprète. A ses côtés, dans un irrésistible halo lumineux, la soprano allemande Anja Harteros trace un profil vocal d’Amelia d’une sidérante splendeur. Son engagement dramatique n’a d’égal qu’une science bel cantiste des plus raffinées.Timbre, projection, musicalité, nuances, tout fait de cette artiste une interprète accomplie d’un rôle beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Ce qui fait d’autant plus regretter la présence au casting du ténor italien Fabio Sartori, un chanteur dont le physique ingrat et, surtout, une voix sans véritable charisme, font de son Gabriele un standard très commun. Le vétéran Ferruccio Furlanetto est toujours un Fiesco noble et bien chantant, Massimo Cavalletti (Paolo) et Ernesto Panariello (Pietro) complétant avec bonheur cette distribution milanaise affichée dans une production sans grand relief de Federico Tiezzi.Le maestro Daniel Barenboim, israélo-argentin de naissance, espagnol  aujourd’hui mais détenteur d’un passeport palestinien, est directeur musical du temple scaligère. Est-il pour autant le chef idéal de ce répertoire ? Sans démériter, bien évidemment, sa direction manque tout de même de ce legato que l’on réclame aux chanteurs, de cette vibration et de ce phrasé typiquement italiens qui parcourent sans discontinuer toutes les partitions de Verdi. Clairement, la mise en place, aussi parfaite soit-elle, ne suffit pas ici.Mais pour Anja Harteros, littéralement sublime, et les derniers feux d’une légende vivante de l’opéra, ce DVD est précieux.

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