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Clap de fin pour Nikolaus Lehnhoff

      Quelques mois après la première de cette nouvelle production de Turandot, le metteur en scène allemand Nikolaus Lehnhoff était vaincu par une longue maladie. Le temple scaligère l’aura donc accueilli pour ce qui est son testament théâtral. En ce 1er mai 2015, il avait eu cependant encore la force de venir saluer au rideau final. Image terrible et touchante à la fois que de voir cet homme de 76 ans recevoir l’hommage d’un public particulièrement exigeant. O Rarement présent en France, Nikolaus Lehnhoff a cependant marqué les esprits des habitués des Chorégies d’Orange où, en 1977, il mettait en scène Jon Vickers et Birgit Nilsson dans un Tristan et Isolde de légende qui demeure à ce jour l’une des plus grandes dates de ce festival.Nous retrouvons ici son sens aigu de l’action théâtrale et sa connaissance parfaite du genre lyrique. Dans les décors de Raimund Bauer, les somptueux costumes d’Andrea Schmidt-Futterer et les magnifiques lumières de Duane Schuler, Nikolaus Lehnhoff impose une direction hiératique, propre à laisser les chanteurs dans les meilleures dispositions pour affronter une œuvre qui ne manque pas vocalement de dangers. A vrai dire, le cast que dirige Riccardo Chailly de sa main de fer est à la hauteur de l’événement. Jugez-en. Quelle plus belle Turandot peut-on rêver aujourd’hui que Nina Stemme ? L’homogénéité de sa voix dans tous les registres, des aigus lancés comme des javelots meurtriers, une projection tellurique, une recherche permanente de la moindre dynamique, une réelle présence scénique, tout concourt à faire de sa Princesse de glace un modèle d’interprétation. A ses côtés, Aleksandrs Antonenko en Calaf confirme bien sa position de meilleur ténor lirico-dramatique du moment grâce à un timbre d’un bronze en fusion, une émission héroïque ainsi qu’un très beau phrasé. Mais la palme du triomphe est échue à la Liu de Maria Agresta. Même si le timbre de cette soprano n’est pas des plus ensoleillés, force est de reconnaître un art de la demi-teinte et du phrasé stupéfiants, sans parler de sons filés qui éveillent les souvenirs d’une certaine cantatrice catalane, illustre Norma au demeurant. C’est dire ! La basse Alexander Tsymbaliuk ne fait qu’une bouchée de son Timur, lui offrant un organe ample et généreux au timbre splendide. Sans oublier trois ministres superbes d’élégance vocale, même s’il n’est pas interdit de porter un regard nuancé quant à leur mise en scène, peut-être le point faible de cette production. Cette intégrale se termine par la version de la dernière scène signée Luciano Berio, version dans laquelle on ne trouve que quelques réminiscences de la version de Franco Alfano entrée dans la tradition. Les deux étant post mortem, il appartient à la sensibilité de chacun de faire son choix. Mais il faut bien reconnaître que celle de Luciano Berio est un rien déroutante et nous éloigne des fastes sonores signés Giacomo Puccini dans les scènes précédentes.Les phalanges de la Scala de Milan, au cœur de leur arbre généalogique, sont superlatives. En somme une très belle version.

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