DVD

A l’ombre écrasante des grandes anciennes

      Pourquoi une telle captation ? C’est un peu la question que nous pouvons nous poser. Bien sûr, imaginons que les contrats ont été signés des années avant sans trop savoir ce que le présent allait proposer. Et justement, que nous propose-t-il ? Tout d’abord, une déception de taille : la production, signée Benoît Jacquot, que l’on a connu bien plus inspiré dans le monde de l’opéra (Werther, Tosca), ici accompagné, pour les décors, de Sylvain Chauvelot, et pour les costumes de Christian Gasc. O Déception, pourquoi ? Parce que pas l’ombre d’une émotion ne va surgir de ce dispositif (un vaste escalier, un arbre, un lit gigantesque surmonté de l’Olympia de Manet), rien d’original et surtout rien qui interpelle vraiment sur le sort de cette femme broyée par les conventions surannées d’une époque et d’une société hypocrite. De plus, manière de nous mettre à la place du spectateur, la caméra va se loger souvent derrière les épaules dénudées d’une jeune femme, occultant ainsi une grande partie du plateau (?). Sans oublier ce qui fait la marque de ce metteur en scène, également réalisateur de ce DVD, les inévitables back stages pendant le spectacle. Soit. Mais, à vrai dire, Benoît Jacquot, pour sa première Traviata, s’est trouvé confronté à l’une des grandes divas actuelles, la soprano allemande Diana Damrau. Sa Violetta est connue des scènes les plus prestigieuses de la planète et, de fait, la voix est intrinsèquement magnifique, même si ce soir-là, le suraigu, non écrit, qui clôture le premier acte n’est pas des plus immortels. Le problème réside dans le peu d’incarnation dont elle investit son personnage et la captation vidéo est mortelle sur le sujet. Surjouant comme il n’est plus autorisé de nos jours, elle renvoie à certaines Traviata du siècle dernier, lorsqu’il n’était question que de chant. Comment cette artiste n’a-t-elle rien retenu des leçons de Maria Callas, de Virginia Zeani et de tant d’autres qui, sans avoir son potentiel vocal rendaient le personnage autrement émouvant. Nous sommes devant la différence entre une chanteuse et une artiste. Mais le statut de star vaut… ce qu’il vaut. A ses côtés, le ténor italien Francesco Demuro, malgré aussi d’évidentes qualités de timbre et de phrasé, n’est pas tout à fait digne de notre première scène nationale. Ludovic Tézier, comme à son habitude, se contente de très bien chanter le rôle de Germont. Et ce n’est pas la direction un rien brouillonne de Francesco Ivan Ciampa, à la tête de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra national de Paris, qui peut sauver ce spectacle. Revenons-en à notre question liminaire : pourquoi ? Alors que de magnifiques spectacles en région ne demandent qu’à être vus par le plus grand nombre, voire immortalisés par le DVD.

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