Disques

Une bouleversante vision de l’infini

Disparu le 20 janvier 2014, le grand chef italien Claudio Abbado laisse un héritage d’une prodigieuse richesse. Sa personnalité si profondément attachante a marqué notre époque. Le répertoire de ce chef, autant symphonique que lyrique, couvre un domaine sans limite. Les miniatures comme les vastes fresques ont trouvé en lui un interprète aussi respectueux qu’imaginatif. Cette exécution publique de la dernière symphonie d’Anton Bruckner, la 9ème en ré mineur, enregistrée lors du dernier festival de Lucerne auquel le chef a pu participer résonne ici comme un testament d’une grandeur et d’une humanité rares.

Claudio Abbado dirigeait, ce 26 août 2013 sur les bords du lac des Quatre Cantons, son tout dernier concert. Prophétiquement, le programme musical y réunissait deux symphonies inachevées, la 8ème de Schubert et la 9ème de Bruckner qui figure sur cet album précieux. Seuls les trois premiers mouvements ont pu être orchestrés par le compositeur qui consacra les deux dernières années de sa vie à tenter d’élaborer ce final dont il ne laissera que de nombreux brouillons. Il existe quelques reconstitutions de ce mouvement qui est parfois abordé aussi bien au concert qu’au disque (voir l’enregistrement de Sir Simon Rattle). Claudio Abbado a choisi ici de s’en tenir aux trois seuls mouvements achevés par Bruckner lui-même.

La beauté intrinsèque de l’orchestre réuni par Abbado lui-même pour ce grand et illustre festival de Lucerne joue ici un rôle irremplaçable. La direction que lui imprime le chef défie les qualificatifs. Les trois mouvements de l’œuvre baignent dans un climat d’une incomparable grandeur sans grandiloquence. Transparence, finesse, légèreté, subtilité caractérisent cette interprétation qui porte très haut le message spirituel du compositeur. Les premières mesures du Feierlich, misterioso, donnent le frisson.

La longue phrase musicale qui ouvre la symphonie semble ne s’élever qu’avec une infinie langueur, dans l’expression d’une douleur assumée. Toute l’émotion du monde imprègne ce mouvement dans un discours qui reste pourtant d’une simplicité admirable. Jamais le chef n’appuie une nuance, ne souligne le moindre effet. La musique, seulement la musique s’épanouit librement. Le court Scherzo apporte son intermède de détente dans la sérénité, l’animation sans arrière-pensée bénéficie des splendides sonorités de l’orchestre.

L’Adagio final s’ouvre sur un thème d’une évidente parenté avec le Parsifal de Wagner que Bruckner admirait profondément. Le rythme implacable de marche vers un infini lumineux imprègne toute cette section. Claudio Abbado se garde bien ici encore de souligner le moindre accent pathétique. L’intensité qui s’en dégage n’en est que plus bouleversante. A l’image des dernières œuvres de Mozart ou de Schubert, le sourire à travers les larmes illumine ce final. Les quelques soubresauts qui ponctuent cette montée vers un au-delà de sérénité interviennent comme arguments d’une discussion ininterrompue. La coda apaisée qui conclut ce bouleversant final se déploie vers un silence religieux dans une infinie douceur.

Cette parution constitue indiscutablement un événement exceptionnel, musical autant qu’humain.

Partager

« Daphnis et Chloé est un chef-d’œuvre absolu d’orchestration, de transparence et de couleur » Victorien Vanoosten
La saison de ballet du Capitole s’ouvre en majesté avec un hommage à Maurice Ravel
« Les Quatre Saisons » de Vivaldi, le concert solidaire avec Marie Cantagrill
Le mardi 21 octobre à 20h à la Halle aux Grains, les clubs Rotary de Toulouse et de ses environs présentent un grand concert organisé au profit de l’association ASEI.
Effervescence musicale, de Boulez à Ravel et Lalo
Le 9 octobre dernier, l’Orchestre national du Capitole invitait pour la première fois le chef britannique Jonathan Nott et la violoniste espagnole Leticia Moreno dans un programme marquant deux anniversaires de compositeurs français, Pierre Boulez et Maurice Ravel. Edouard Lalo et sa célèbre Symphonie espagnole s’insérait brillamment dans ce
Ariodante, le chef-d’œuvre chevaleresque de Georg Friedrich Haendel, au CGR Blagnac pour une unique projection
Une autre expérience d’opéra au cinéma
A Carcassonne, la musique est à l’honneur
Si Toulouse a été désignée Ville des Musiques par l’Unesco, Carcassonne déploie également une riche activité musicale.
L’ouverture de la saison Toulouse Guitare avec Ricardo Gallén
L’édition 2025-2026 de Toulouse Guitare s’ouvre sur un récital donné le vendredi 17 octobre prochain à 20h00 à la Chapelle des Carmélites par le grand guitariste espagnol Ricardo Gallén.