Disparu le 13 juillet 2014 en Virginie, à l’âge de 84 ans, le grand chef d’orchestre américain Lorin Maazel était né en 1930 à Neuilly sur Seine. Sa trajectoire musicale fut l’une des plus prestigieuses et des plus précoces du 20ème siècle. Violoniste et compositeur, il fit ses débuts en public à l’âge de huit ans en dirigeant l’orchestre de l’université de l’Idaho dans la Symphonie Inachevée de Schubert. Il se produisit à la tête d’un grand nombre d’orchestres américains entre neuf et quinze ans, notamment l’Orchestre Symphonique de la NBC en 1941, à l’invitation d’Arturo Toscanini, l’Orchestre Philharmonique de New York en 1942 et, déjà, l’Orchestre de Cleveland en 1943. Après le décès en 1970 de George Szell, chef permanent de cette dernière phalange dont il fit l’une des plus accomplies du monde, Lorin Maazel prit sa succession. De 1972 à 1980, il occupa cette fonction et réalisa un bel ensemble d’enregistrements discographiques que DECCA réédite dans un beau coffret de 19 CDs.
Le programme ainsi réuni couvre un vaste répertoire qui rassemble des œuvres assez diverses de la période romantique jusqu’au 20ème siècle tonal. Lorin Maazel possédait une forte personnalité qui se retrouve dans son style affirmé de direction. Il fait partie de cette catégorie de chefs qui pratiquent ce l’on pourrait qualifier une direction « interventionniste ». Ses phrasés, de même que ses choix de tempo, lui appartiennent en propre. La précision de sa baguette lui autorise néanmoins un rubato bien à lui, sans complaisance mais nettement affirmé.
Il sait également doser les pupitres de l’orchestre de manière très personnelle.
Le contenu de ce coffret bienvenu met également en évidence la qualité, la grandeur et la beauté de ce bel Orchestre de Cleveland, le plus « français » des orchestres américains. Ainsi on ne peut qu’admirer ses interprétations de Debussy (La Mer, les Nocturnes, Iberia) et de Ravel (splendide version du ballet intégral Daphnis et Chloé). Les grands déploiements orchestraux le stimulent, comme dans les deux poèmes symphoniques d’Ottorino Respighi, Les Fêtes Romaines et Les Pins de Rome. L’un des sommets de cette compilation est bien l’ivresse luxuriante du Poème de l’Extase de Scriabine. L’autre splendeur colorée se retrouve dans l’enregistrement de 1973 qui a beaucoup fait parler de lui, celui du ballet intégral Roméo et Juliette de Prokofiev. Cette interprétation reste somptueuse. Plus rare, mais d’une étrange beauté et pleine de contrastes, la version impressionnante de la Messe de Requiem de Berlioz fait partie des grandes réalisations de ce coffret.
Outre une brillante intégrale symphonique de Brahms, Bizet, Elgar, Franck, Rimski-Korsakov, Tchaïkovski et même Glinka, Rossini et Verdi figurent épisodiquement dans ce palmarès. Il faut enfin célébrer la véritable intégrale que Maazel réalisa de l’opéra Porgy and Bess, de Gershwin, célébrant ainsi le bicentenaire de l’indépendance des Etats-Unis. La réunion d’une distribution irréprochable, composée de vrais chanteurs d’opéra, n’est pas le moindre des atouts de cette interprétation qui rassemble le Porgy de Willard White, la Bess de Leona Mitchell, la Clara de Barbara Hendricks, la Serena de Florence Quivar…
Cette réédition bienvenue est en outre parfaitement réalisée sur le plan technique. Les enregistrements DECCA de l’époque conservent une fidélité et un éclat parfaits.