Disques

Jean Gilles, confirmation et découverte

L’orchestre Les Passions, l’ensemble vocal les éléments, Jean-Marc Andrieu, voici un trio gagnant pour la mémoire de Jean Gilles dont les mêmes interprètes ont déjà gravé une belle interprétation du Requiem. Le chef d’orchestre et flûtiste Jean-Marc Andrieu est devenu le généreux spécialiste de cette musique à laquelle il confère non seulement sa science du contrepoint et de la polyphonie, mais aussi et surtout sa sensibilité et son charme. Un mariage parfait entre la lettre, l’esprit et le cœur. Le compositeur, maître de chapelle de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse de la fin du dix-septième siècle est l’auteur des deux fresques musicales qui figurent au programme de cette nouvelle parution.
La restitution de la Messe en ré doit beaucoup au directeur des Passions. Il n’existe de cette partition, vraisemblablement inédite, qu’un seul exemplaire conservé à la Bibliothèque Nationale. Seule la partie vocale est complète. L’accompagnement orchestral restant très parcellaire, Jean-Marc Andrieu s’est chargé de sa reconstitution. Sa profonde familiarité avec le compositeur légitime son travail, si proche de celui d’un restaurateur de tableaux anciens. Il précise en outre : « La dernière page de ce manuscrit fait apparaître la mention du copiste : « Coronatur fine semper opus nobile. Finis coronat opus, à Aix le 29 juillet 1726. Doussoulin Eccl. ». Copiée vingt-et-un ans après la mort de Gilles, à Aix-en-Provence, et conservée à Paris, cette partition témoigne une fois de plus de la réputation posthume du compositeur : dans l’hypothèse vraisemblable où elle aurait été écrite à Aix, elle serait antérieure à 1695, Gilles aurait moins de vingt-six ans. »

L’impression que donne son exécution dépasse la simple fidélité esthétique. Voici une œuvre forte, poétique, raffinée qui reçoit ici l’hommage fervent qu’elle mérite. Si parfois certaines grandes messes de l’époque baroque française témoignent essentiellement d’une austère solennité « grand siècle », rien de cela dans cette Messe en ré. L’interprétation animée par Jean-Marc Andrieu n’y est sans doute pas pour peu. Chaque moment liturgique possède et distille sa particularité propre.

Prononcé à la française (la lettre u reste un u français !), le latin nourrit toute la prosodie. Le rythme alimente une vitalité permanente, comme pour célébrer une danse sacrée. Léger mais toujours élaboré, le phrasé ne se contente pas de suivre la rhétorique baroque. Il la transcende au nom de l’expression profonde. Le chœur les éléments, dont Joël Suhubiette sait si bien entretenir la flamme, fait une fois de plus la preuve de ses capacités musicales de précision, de justesse, de couleurs et de dynamique. Trois de ses membres : Cécile Dibon-Lafarge (dessus, autrement dit soprano), Cyrille Gautreau et Christophe Sam (basses), joignent à plusieurs reprises leurs talents à ceux du beau quatuor vocal. La soprano Anne Magouët, qui ouvre la Messe sur une proclamation projetée avec ardeur, marie admirablement son timbre riche et chaleureux à celui, céleste au sens propre du terme, de Vincent Lièvre-Picard, emblème du parfait haute-contre à la française. Les interventions de cet artiste sensible dans le Et in Terra Pax et l’Agnus Dei constituent des sommets d’émotion. Le ténor Jean-Noël Novelli marie la beauté vocale et l’agilité, notamment dans l’ornementation élaborée du Qui Tollis. Enfin le sens de la déclamation de la basse Alain Buet s’associe parfaitement tout en se distinguant dans cet incroyable trio de voix de basses sur le Laudamus, « aussi chantant que dansant ».

Dans le Te Deum, dont l’enregistrement complète celui de la Messe, on retrouve la solennité du ton de victoire que la direction alerte et vibrante de Jean-Marc Andrieu préserve de toute rigidité. Là encore le rythme de danse prédomine. Ecrite pour chœur à la française à cinq voix, mais un orchestre à seulement trois parties au lieu des quatre habituelles, cette partition, plus traditionnelle que celle de la Messe, arbore un nouveau trio de basses (l’association devait vraiment plaire au compositeur !). Le magnifique duo Te Gloriosus met en valeur les qualités et le style du ténor et du haute-contre dans une trajectoire ardente et sensible.

Une belle parution qui enrichit encore le patrimoine du grand maître de chapelle de la ville rose.

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