Danse

Fani Fuster, « la de Toulouse »

Qui aurait pu penser en croisant la petite jeune fille élégante et discrète dans les couloirs de la fac, alors qu’elle allait terminer, ô combien brillamment, des études de droit, qu’on la retrouverait quelques années plus tard, sur la scène du Théâtre Municipal d’Albi, dans une éblouissante démonstration de flamenco.

Fani Fuster « Alegria – Crédit photo T. Gallaway

C’est en effet une belle histoire de passion que celle de Fani, qui des rives de la Garonne la mena à celles du Guadalquivir. Partie pour quelques mois, elle y resta 8 ans, peaufinant auprès des plus grands maîtres sévillans ce qu’elle avait déjà appris à Toulouse. La voici revenue dans notre ville rose, où elle a ouvert en 2006 une école de danse tout en pratiquant son art sur scène. C’est ainsi que Vicente Pradal lui a confié la chorégraphie, qu’elle danse elle-même, de son dernier spectacle sur des poèmes de Federico Garcia Lorca, « Divan del Tamarit ». Spectacle qui a obtenu un très grand succès.
C’est dans le cadre du festival « Un week-end avec elles » qu’elle se produisait à Albi dans un spectacle remarquablement construit. Débutant par une « alegria » finissant traditionnellement par une « buleria », Fani démontre toute sa connaissance de la grammaire flamenca. Parfaitement assimilée, elle est précise, exacte mais l’on sent déjà que sans renier la tradition elle servira pour réécrire des « textes » très personnels. Dans cette première danse, Fani apprivoise son public. Gracieuse, enjôleuse, sans « enrobage » superflu, elle enlève son adhésion, bien entourée par ses complices de scène.

Fani Fuster « Solea » – Crédit photo P.J. Texier

Vient ensuite la « solea », danse où l’expression des sentiments prime. Subtilement, Fani nous mène vers son univers. D’abord par un costume masculin, ce qui est certes dans la tradition, mais Fani l’anime d’une veste de satin immaculé. Et sa danse s’intériorise, son regard se perd dans un monde au-delà de la scène, pour redécouvrir le public et lui dédier un éblouissant sourire.

Mais c’est dans la « siguiriya » que l’on perçoit encore mieux où son travail et sa recherche vont mener Fani. Ce choix n’est pas anodin car la « siguiriya » révèle le mystère souvent tragique de l’âme gitane, c’est une danse sobre, sérieuse, cérémonieuse. Par une gestuelle parfois mécanique, tel ces gestes hachés par une lumière troboscopique, la danseuse nous fait pénétrer dans son univers. Sa tension extrême apparaît jusqu’au bout de ses doigts tremblants dans la lumière. Cette interprétation peut dérouter les puristes, mais elle est le signe de cette nouvelle voie du flamenco, initiée en Espagne par des danseurs comme Israel Galvan, dont Fani fut l’une des danseuses.

Fani Fuster « Siguiriya » – Crédit photo P.J. Texier

Le tonnerre d’applaudissements qui salua le dernier « desplante » de Fani, est la meilleure preuve que cette artiste a su, par la subtile gradation de son spectacle, conquérir le public. Il nous reste à souligner ici la grande qualité de ses accompagnateurs. José Sanchez guitariste et complice évident de Fani, musicien pénétré et virtuose, plein de sensibilité et de fougue. Alberto Garcia et Cristo Cortés l’accompagnaient au chant et Max Richard aux percussions.
Fani Fuster souhaite ,dans le futur, fonder sa propre compagnie pour créer, et nous donner sa vision propre du flamenco. Un projet que nous suivrons attentivement.

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