Danse

Découvertes chorégraphiques sous les ors de Garnier

En conviant trois chorégraphes contemporains à venir présenter leurs œuvres, Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l’Opéra de Paris, nous propose un envoûtant voyage au sein d’univers intensément vibratoires.

La soirée s’ouvrait, en fait, sur une reprise, celle d’un ballet créé en 2002 par la troupe de l’Opéra de Paris : AndréAuria, du chorégraphe marocain Edouard Lock. Sur une musique originale écrite pour deux pianos par David Lang, le chorégraphe nous entraîne dans un monde régi par la vitesse du mouvement, un monde dans lequel classicisme et modernité cohabitent, se conjuguent même au sein d’une formidable énergie sans cesse renouvelée. Premiers danseurs et sujets se lancent dans ce tournoiement cabalistique et fascinant à la fois avec une témérité de tous les instants.

Le second ballet était l’entrée au répertoire d’une œuvre de l’espagnol Nacho Duato : White Darkness. Présenté au Châtelet la saison passée par la compagnie de ce chorégraphe, ce ballet nous revient avec la même force, la même intensité, la même violence et le même désespoir. Sur le thème de l’addiction à la drogue et sur une musique de Karl Jenkins, nous entrons au cœur d’une grammaire chorégraphique d’une formidable fluidité, intensément chaleureuse et sensuelle. Un couple d’étoiles mène la danse : Marie-Agnès Gillot et Wilfried Romoli, elle profondément pathétique, lui somptueusement émouvant. L’accueil plus qu’enthousiaste réservé à ce ballet, outre les qualités d’interprétation, en dit long sur le fantastique impact de cette chorégraphie, d’une lisibilité parfaite et à l’intense pouvoir évocateur. Sauf erreur et aussi incroyable que cela puisse paraître, il s’agissait de la première entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de cet artiste acclamé du monde entier…

Enfin, la soirée se terminait par un évènement , la création mondiale d’une œuvre du jeune bordelais Benjamin Millepied (c’est le genre de patronyme qui ne s’invente pas dans la danse) : Amoveo.

Principal dancer du New York City Ballet, cet artiste développe également une intense activité de chorégraphe néo-classique fortement inspiré par Balanchine et Jérome Robbins.

Cela n’enlève rien à une originalité que ce jeune (29 ans) créateur revendique dans une énergie explosive. Pour l’heure, et sur une musique du compositeur minimaliste répétitif Philip Glass interprétée par le Chœur Accentus, des décors de Paul Cox et des costumes de Marc Jacobs, Benjamin Millepied met en danse l’arc en ciel de l’amour, depuis son stade animal jusqu’à l’expression de sa plus tendre émotion. Au sein du corps de ballet, deux étoiles absolument vertigineuses pour un duo aux accents d’une charnelle et troublante sensualité : Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche. Pas de deux et scènes d’ensemble rythment ce ballet pour un rite étrange qui n’est pas sans rappeler aussi bien le Sacre du Printemps que les Noces du même Stravinski.
Robert Pénavayre

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