Concerts

Les splendeurs musicales de Sibelius et Korngold

L'Orchestre national du Capitole et le violoniste Bohdan Luts dirigés par Marie Jacquot - Photo Romain Alcaraz -

Deux jeunes invités de l’Orchestre national du Capitole ont été chaleureusement applaudis ce 15 mai dernier par le grand public de la Halle aux Grains. La cheffe d’orchestre française Marie Jacquot et le violoniste ukrainien Bohdan Luts éclairaient, ce soir-là, un répertoire musical original associant deux compositeurs possédant de fortes spécificités : Jean Sibelius et Erich Wolfgang Korngold.

Née à Paris en 1990, Marie Jacquot occupe notamment la charge de cheffe d’orchestre principale du Théâtre royal danois de Copenhague. Depuis la saison 2023/24, elle est la première cheffe invitée des Wiener Symphoniker. À partir de 2026/27, elle sera cheffe musicale de l’orchestre symphonique de la WDR, la Westdeutsche Rundfunk de Cologne. Sa première venue à Toulouse coïncide donc avec celle du soliste invité, Bohdan Luts, né en 2004 en Ukraine et titulaire du prestigieux premier Prix du Concours Long-Thibaud 2023.

Avant que ce concert ne s’ouvre, le représentant syndical des musiciens, Jean-Baptiste Jourdin, s’adresse au public pour l’informer des difficultés rencontrées à propos du financement des activités culturelle, et en particulier musicales, de la cité. Des suspensions ou des diminutions des crédits alloués aux organismes impliqués font planer la menace de réductions de ces activités pourtant primordiales pour les acteurs comme pour le public. Ce message d’alerte recueille d’ailleurs ce soir-là une salve vibrante d’applaudissements de la part de l’ensemble du public, évidemment concerné, de la Halle aux Grains !

Bohdan Luts soliste du Concerto pour violon de Sibelius dirigé par Matie Jacquot - Photo Romain Alcaraz -
Bohdan Luts, soliste du Concerto pour violon de Sibelius dirigé par Marie Jacquot – Photo Romain Alcaraz –

Le concert lui-même s’ouvre sur l’unique et somptueux Concerto pour violon et orchestre en ré mineur de Jean Sibelius qui réunit les deux artistes invités et l’Orchestre national du Capitole. Dès son introduction, le vaste premier mouvement émerge du silence dans une atmosphère dont les interprètes soulignent la finesse et l’émotion. L’alternance entre extrême sensibilité et révolte confère à ce volet une force incantatoire. La finesse du jeu du soliste se manifeste brillamment en dialogue avec l’orchestre, mais aussi dans les multiples cadences qui balisent cette section. Une certaine inquiétude expressive caractérise les échanges avec l’orchestre dans l’émouvant Adagio di molto. Vigueur, traits enflammés du violon solo animent l’Allegro ma non tanto final dont l’exécution rutilante reçoit un accueil enthousiaste de la salle. Jusqu’au bis de Bohdan Luts qui enflamme encore le public avec une interprétation éblouissante du Caprice n° 11 de Niccolò Paganini.

La seconde partie du concert constitue pour la plupart des auditeurs une découverte. Il s’agit de la Sinfonietta en si majeur, op. 5 d’Erich Wolfgang Korngold, une œuvre de jeunesse (le compositeur était alors âgé de quinze ans) dont les premières esquisses datent de 1912. Le titre de cette œuvre (petite symphonie) ne laisse en rien pressentir l’ampleur orchestrale de son écriture. Un orchestre très fourni doté d’un piano et d’un célesta alimente une musique que l’on pourrait qualifier de « musclée » ! Et c’est bien ainsi que Marie Jacquot conçoit et dirige l’ensemble discipliné et ardent des musiciens.

L’orchestre réuni pour la Sinfonietta de Korngold – Photo Classictoulouse –

Le premier volet de cette vaste fresque, intitulé Fließend, mit heiterem Schwunge (Fluide, avec un mouvement joyeux), s’anime d’une série de contrastes dynamiques, jusqu’à quelques épisodes parfois « tonitruants » ! Le Scherzo, Molto agitato, rasch und feurig (rapide et fougueux) prolonge encore cette animation irrésistible. Avec quelques étranges associations instrumentales comme celle du duo violon-trompette. La magie d’un solo de cor anglais ouvre le troisième mouvement, Molto andante (Träumerisch) (Rêveur), qui n’échappe pourtant pas à une certaine agitation. Le Finale : Patetico – Allegro giocoso, habité de crescendos ravageurs, prend la forme d’un patchwork effervescent qui associe intervention fuguée et mouvement de danse. Sous la direction animée de Marie Jacquot, chaque pupitre, chaque musicien contribue avec ardeur à cette explosion juvénile.

Une chaleureuse ovation de toute l’assistance salue ce déploiement inattendu de vitalité. La découverte était véritablement au rendez-vous !

Serge Chauzy

Programme du concert :

  • J. Sibelius : Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47
  • E. W. Korngold : Sinfonietta en si majeur, op. 5

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