Concerts

La rencontre Johann Sebastian Bach-Jordi Savall

L'ensemble des interprètes au salut final. De gauche à droite : la soprano Laurie Smirnov Hamiche, l'alto Key’mon Murrah, Jordi Savall, le ténor Valentin Thill, la baryton Kamil Ben Hsaïn Lachiri - Photo Classictoulouse -

Ce samedi 10 décembre, le Théâtre du Capitole recevait Jordi Savall à la tête de son bel ensemble Le Concert des Nations pour une exécution partielle du somptueux Weihnachtsoratorium(Oratorio de Noël) de Johann Sebastian Bach. Une salle bien remplie pour l’occasion n’a pas manqué de saluer avec enthousiasme cette exécution magistrale qui réunissait pour la première fois cet ensemble jouant sur instruments anciens et le Chœur de l’Opéra national du Capitole.

Cette rencontre hautement spirituelle a attiré un large public en dépit de sa concomitance avec une autre rencontre, footballistique celle-là, supposée attirer la planète entière. Une preuve que la musique et le sport peuvent faire bon ménage. Signalons néanmoins que ce concert est répété le dimanche 11 décembre à 16 h, dans ce même lieu.

Ce soir-là, sur la même scène qui accueillait quatre jours auparavant la dernière représentation de La Bohème, la trentaine de musiciens du Concert des Nations est entourée de ce même Chœur du Capitole qui a donc participé aux deux événements musicaux de style si différent. L’ensemble instrumental, créé rappelons-le en 1989 par Jordi Savall et son épouse la soprano Montserrat Figueras, partage avec les voix du chœur une même ferveur, un même style musical. Saluons à la fois le pouvoir d’adaptabilité des chanteurs et le beau travail de direction et d’incitation réalisé par Jordi Savall, très certainement aidé en cela par le chef de ce chœur lyrique, Gabriel Bourgoin, ainsi que par l’expert en préparation qu’est le complice de Jordi Savall en la matière, Lluis Vilamajó.

Les trois premières cantates de l’Oratorio célèbrent les trois premières journées de Noël avec faste, ferveur, mais aussi émotion et sensibilité. Quatre chanteurs solistes se joignent à l’ensemble choral et instrumental avec des caractéristiques proches de celles des Passions. Ainsi le rôle de l’Evangéliste consiste à relater la succession des événements qui entourent la naissance du Christ. Il est tenu par le ténor dont la fonction reste primordiale. Les voix solistes de soprano, d’alto et de basse incarnent les témoins qui commentent et interprètent la signification de ces événements. Ce rôle de commentateur constitue également l’une des fonctions du chœur qui est en outre chargé d’énoncer la morale au travers des traditionnels chorals.

Le chœur d’ouverture de la première cantate (La Naissance) de cet oratorio témoigne de la solennité et de la ferveur de l’événement de l’Incarnation. Trompettes et timbales jubilent autant que les voix. Saluons la justesse et la musicalité avec lesquelles les musiciens traduisent ces affects. Les récitatifs de l’Evangéliste sont assurés avec conviction par le ténor Valentin Thill qui fut il y a peu sur cette même scène un lumineux Tamino de La Flûte Enchantée. Sa parfaite diction, la beauté de son timbre vocal et son extrême souplesse en font un parfait Evangéliste.

La voix d’alto masculin et la qualité du chant de Key’mon Murrah constituent une révélation. Ses interventions, aussi bien dans les récitatifs que dans les arias, enrichissent considérablement la progression de l’œuvre et son épanouissement musical. Le chant de la soprano Laurie Smirnov Hamiche évoque irrésistiblement celui des voix d’enfants qui étaient requises pour ces rôles à l’époque de Bach. Enfin, le baryton Kamil Ben Hsaïn Lachiri, lui aussi révélé dans La Flûte Enchantée capitoline (rôle de Papageno), assure avec ardeur les interventions destinées à la voix de basse.

Les trois cantates offertes ce soir-là nécessitent également la participation d’instruments solistes pour lesquels Bach a écrit quelques partitions redoutables d’exécution. Les trompettes naturelles, sollicitées dans toute l’étendue de leur tessiture, assurent leur rôle avec virtuosité. C’est également le cas des « oboi da caccia », ces instruments hybrides sollicités dans la Sinfonia pastorale qui ouvre la deuxième cantate (L’annonce aux bergers). La flûte de Marc Hantaï se distingue joliment dans l’aria redoutable du ténor : « Frohe Hirten, eilt… », et le violon virtuose de Manfredo Kraemer agrémente avec finesse l’aria « Schliesse, mein Herze… » de l’alto dans la troisième cantate (L’adoration des bergers).

Jordi Savall anime avec ardeur et précision la progression de ces trois épisodes d’un Oratorio de Noël dont on aurait bien aimé poursuivre l’écoute avec l’exécution des trois cantates suivantes ! Peut-être dans un futur proche…

Serge Chauzy

Programme du concert donné les 10 et 11 décembre 2022 au Théâtre du Capitole :

  • J. S. Bach : Weihnachtsoratorium (Oratorio de Noël) – Les trois premières cantates

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