Le 14 mai dernier la chapelle Sainte-Anne de Toulouse recevait l’Orchestre Les Passions, placé sous la direction avisée de Jean-Marc Andrieu. Ce bel ensemble instrumental abordait cette fois la production musicale baroque allemande, avec un intérêt particulier autour de la vision de Johann Sebastian Bach sur ses contemporains.
Donné en partenariat avec le Goethe-Institut de Toulouse et dans le cadre de la Quinzaine franco-allemande d’Occitanie, ce beau concert dominical s’ouvre sur une intervention de Stefanie Neubert, directrice de cet Institut. Elle se félicite de cette convergence d’intérêts entre cette Quinzaine et la manifestation musicale de ce jour.
Jean-Marc Andrieu, ses musiciens et ses solistes présentent ensuite un programme éminemment germanique mais sous un angle particulièrement original. La soprano Clémence Garcia et l’alto Lucile Rentz participent activement et avec talent à cette célébration qui s’ouvre précisément sur deux airs extraits de deux cantates de Johann Sebastian Bach
L’air pour soprano « Wie lieblich klingt es in den Ohren » (Comme elle résonne magnifiquement dans mes oreilles) extrait de la Cantate BWV 133 célèbre le temps de Noël. Clémence Garcia, de son timbre lumineux, en expose la joie teintée de nostalgie. L’ensemble instrumental soutient la voix avec une grande finesse mêlée de ferveur.
L’air pour alto « Wie furchtsam wankten meine Schritte » (Que mes pas étaient chancelants et craintifs !) qui suit est extrait de la Cantate BWV 33. Le timbre riche de Lucile Rentz en exprime avec retenue l’émotion qui s’en dégage. On admire la subtilité de l’accompagnement instrumental tout en pizzicati significatifs au sein desquels le violon solo de Flavio Losco joue une sorte de rôle consolateur.
Le Concerto pour flûte à bec en do majeur TWV 51 :C1, de Georg Philipp Telemann constitue une halte profane particulièrement joyeuse au cœur de ce concert majoritairement sacré. Jean-Marc Andrieu, flûtiste émérite, en exalte avec finesse les évocations lumineuses. La vivacité de l’Allegro est suivie d’un Andante plein d’émotion qui égrène comme une douce plainte. Le brio du final Tempo di Minuetto débouche sur une effervescence virtuose de chant d’oiseau. Un grand bravo à l’habileté digitale et à la tenue du souffle du soliste qui déclenchent une salve d’applaudissements largement méritée !
La dernière œuvre inscrite au programme constitue LA découverte essentielle de ce concert. Si l’on connaît bien les mélismes sublimes du Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi, on n’a retrouvé et authentifié qu’au milieu du XXème siècle l’adaptation que Johann Sebastian Bach en a réalisée. Bach a beaucoup exploré les œuvres des compositeurs de son temps. Ce fut le cas avec Antonio Vivaldi dont il a transcrit de nombreuses partitions. Cette fois son adaptation s’appuie sur un texte allemand et luthérien, le Psaume 51 : « Tilge, Höchster, Meine Sünden » (Efface, Très Haut, mes péchés). Mais, comme souvent, sa transcription enrichit la basse continue et y ajoute une partie d’alto indépendante. Il inverse même l’ordre de certains numéros. Le résultat témoigne d’une vision plus dense de la musique, dont l’écoute s’avère captivante. Si l’on retrouve bien ici les sensibles dissonances de l’original, la succession des épisodes sacrés construit une véritable dramaturgie vocale que le passage du latin à l’allemand soutient parfaitement. Les deux cantatrices confèrent un supplément d’âme à cette découverte. Les timbres différenciés s’harmonisent et se soutiennent, en particulier dans les duos. L’Amen final jubilatoire souligne encore la ferveur qui se dégage de l’œuvre et de sa brillante interprétation.
L’accueil enthousiaste du public obtient des interprètes une reprise de cet Amen impressionnant.
Serge Chauzy
Programme de ce concert donné le 14 mai 2023 à 15 h à la Chapelle Sainte-Anne de Toulouse :
* J.-S. Bach : Air pour soprano « Wie lieblich klingt es in den Ohren » extrait de la Cantate BWV 133
* J.-S. Bach : Air pour alto « Wie furchtsam wankten meine Schritte » extrait de la Cantate BWV 33
* G. Ph. Telemann : Concerto pour flûte à bec en Do Majeur
* J.-S. Bach : Psaume 51 « Tilge, Höchster, meine Sünden » BWV 1083 d’après le Stabat Mater à deux voix, cordes et basse continue de Giovanni Battista Pergolesi