Consacrer tout un programme de concert à Mozart, « aimé des dieux », semble banal. Et pourtant cela reste rare. C’est ce qu’avaient choisi Gilles Colliard et les musiciens de l’Orchestre de Chambre de Toulouse pour leur deuxième série de concerts d’abonnement. Un auditorium Saint-Pierre des Cuisines plein à craquer justifiait, a posteriori, ce choix.
Les deux symphonies et un concerto pour piano qui composent ce programme nécessitaient d’ajouter à la section des cordes de l’orchestre les pupitres de vents auxquels Mozart confie souvent d’ineffables contributions. C’est donc une petite vingtaine de musiciens qui occupent ce soir du 16 octobre le plateau de l’auditorium. Ainsi que le note Gilles Colliard en début de soirée (d’une voix aux bords de l’extinction !), les compositions de l’enfant musicien restent le plus souvent déconnectées des événements heureux ou malheureux qui jalonnent sa courte existence. En témoignent les caractères opposés des deux partitions orchestrales inscrites au programme ce soir-là. Respectivement composées à seize et dix-sept ans, les symphonies n° 19 et n° 25 pourraient être qualifiées d’œuvres de jeunesse. Mais quelle musique de Mozart n’est pas œuvre de jeunesse ?…
L’Orchestre de Chambre de Toulouse, dirigé par Gilles Colliard dans la symphonie n° 25 de Mozart – Photo Classictoulouse –
Pièce de divertissement, légère et pleine d’une grâce innocente, la symphonie en mi bémol majeur KV 132 requiert l’apport de quatre cors et deux hautbois. Les dialogues entre pupitres s’établissent et se succèdent avec une alacrité pleine d’énergie et de légèreté. Gilles Colliard souligne avec justesse l’étrange trio du troisième mouvement, comme une parenthèse nocturne qui interrompt la danse insouciante du Menuetto.
Tout autre apparaît la symphonie n° 25 KV 183, appelée parfois « la petite sol mineur », par opposition à la « grande sol mineur », autrement dit la célébrissime 40ème, seule autre symphonie de Mozart en mode mineur. Prototype ou anticipation, cette œuvre d’un jeune homme qui n’a pas encore atteint les dix-huit ans est balayée par un impressionnant souffle tragique. Les toutes premières mesures plongent immédiatement l’auditeur dans l’esprit « Sturm und Drang » qui anime l’époque. A juste titre, Gilles Colliard n’essaie pas d’en atténuer la violence. Admirons les interventions stratégiques du hautbois auquel Mozart réserve le soin d’apaiser la fébrilité de son discours porté par un rythme implacable. A la gravité de l’Andante, succède l’utilisation inhabituelle du mode mineur dans le Menuetto, à peine éclairé par le trio confié aux seuls instruments à vent. Le final retrouve l’inquiétude dramatique du début que les interprètes mènent à leur terme dans la tension sans rémission. On ne respire librement qu’à l’issue de l’accord final !
Le pianiste Frédéric Vaysse-Knitter, soliste du concerton° 17 de Mozart
– Photo Classictoulouse –
Entre les deux symphonies, le jeune pianiste français d’origine polonaise Frédéric Vaysse-Knitter est le soliste inspiré du concerto n° 17, en sol majeur. Ce jeune musicien possède à l’évidence le sens du chaleureux dialogue avec l’orchestre qui parcourt toute l’œuvre. Après le splendide portique que constitue l’introduction orchestrale particulièrement élaborée, le pianiste met immédiatement au premier plan la belle fluidité de son toucher. Le sens des nuances et de la ligne mélodique, l’éloquence variée de son discours se mêlent avec finesse au tissu orchestral. Frédéric Vaysse-Knitter ne place pas au premier plan la pure virtuosité. Sensible et lumineux, son jeu présente une large palette expressive : du murmure de la confidence à l’éclat imposant. Il brille tout particulièrement dans les cadences, réfléchies, profondes, intenses, qui jalonnent l’œuvre. Les savoureux échanges avec les vents éclairent tout le final dont la coda pétillante évoque quelque ensemble d’opéra.
Un bis bienvenu complète la prestation du pianiste. Dans ce Nocturne op. 48 n° 1, de Chopin, il déploie un sens étonnant des contrastes, un enthousiasme et une ferveur qui enflamment à juste titre le public. Frédéric Vaysse-Knitter, à l’évidence voici un nom à retenir.