Née à Buenos-Aires, mais citoyenne du monde, Martha Argerich n’est pas seulement la prodigieuse pianiste que l’on sait. Sa personnalité se distingue de toutes celles de ses collègues musiciens par la liberté de ton que son immense talent lui confère. Le film que lui consacre Georges Gachot sur ce DVD récent lève une partie du voile qui recouvre le mode de pensée de la femme et de l’artiste. Filmée lors de ses contacts professionnels et amicaux avec ses collègues, lors de répétitions, mais aussi au cours de discussions décontractées avec le réalisateur (d’où le titre du DVD : Evening talks – Discussion du soir), elle dévoile certains aspects de sa vie et de son évolution, tout en conservant cette part de mystère qui la rend plus humaine encore. Martha Argerich explique ainsi pourquoi elle ne se produit plus seule sur un podium. Cette exhibition qui concentre sur elle-même toute l’attention du public l’inhibe totalement au point de la « coincer ». Le secret de son approche toujours si originale des œuvres qu’elle aborde réside dans une simple volonté de toujours chercher de nouveaux angles d’attaque : « Il faut surtout éviter de s’imiter soi-même… » Elle rend ainsi hommage aux deux maîtres qui l’ont marqué, l’Autrichien Friedrich Gulda et l’Italien Arturo Benedetti Michelangeli. Quant à son répertoire, elle insiste sur Schumann et Prokofiev : « Je crois qu’ils m’aiment ! » Elle se sent particulièrement proche de Schumann qui, à son image, est à la fois « intime et pas planifié ». Maniant avec autant de facilité l’espagnol (sa langue maternelle) que le français, l’anglais, l’allemand ou le portugais (notamment avec son copain de toujours, le Brésilien Nelson Freire), Martha Argerich occupe une place à part dans le monde musical d’aujourd’hui, ce que corroborent les quelques documents anciens tournés lors de ses débuts et qui rythment ce film attachant. Martha Argerich telle qu’en elle-même, généreuse, rebelle, sauvage même, mais toujours sincère.