L’intérêt majeur de cet enregistrement réside bien dans la découverte d’une nouvelle édition établie par Damien Colas pour Bärenreiter-Verlag. Elle inclut des passages coupés pendant les répétitions et se base donc sur le matériel interprétatif plutôt que sur la partition imprimée à l’origine de la version jusqu’à présent exclusive de cet opéra. Le final du 1er acte est l’une des modifications majeures apportées par cette nouvelle production. O O Autre point d’intérêt et pas des moindres, cet enregistrement est réalisé avec l’aide d’un orchestre d’instruments anciens, La Scintilla, dont les sonorités et les coloris, conjugués à l’énergie et à la vivacité de Muhai Tang, donnent littéralement naissance à une autre écoute de l’ouvrage. Moshe Leiser et Patrice Caurier situent l’action à la fin de la dernière guerre, au moment où les troupes américaines délivrent la France. Pourquoi pas, d’autant que, malgré les anachronismes que cela peut entraîner avec le texte, l’idée est bien là, avec toute la grivoiserie et la sensualité pour ne pas parler d’autre chose, qui hantent cet ouvrage. Et pour le coup, les deux compères ne se refusent rien, jusqu’à la caravane lupanar du Comte Ory. Ils auraient tort car la distribution réunie en ce 31 décembre 2011 joue le jeu de manière convaincante. A commencer par la star locale, Cecilia Bartoli. Elle campe une Adèle qui n’hésite pas trop à sauter, complètement dépoitraillée, sur ce pauvre Isolier, ravi des circonstances. C’est enlevé, pas très finaud parfois, mais il faut bien reconnaître que le livret et les situations qu’il contient relèvent particulièrement de la gaudriole. Créée par la soprano Laure Cinti-Damoreau, qui sera la première Mathilde du Guillaume Tell rossinien, Adèle est donc ici interprétée par un mezzo, au registre certes étendu mais à la couleur bien précise également. Si certains peuvent se lasser des incessantes roucoulades stroboscopiques de Cecilia Bartoli, et on les comprend, force est de constater la parfaite maîtrise d’une voix dont la projection est limitée mais la virtuosité souveraine. Cela dit et dans la salle de 1100 places de l’Opéra de Zurich, dont l’excellente acoustique est légendaire, l’Adèle de la Bartoli finit par convaincre, abattage monumental aidant. Loin de lui laisser la première place, Javier Camarena se lance lui aussi dans un Comte débridé, ne reculant devant aucune excentricité ni vocalise périlleuse. C’est net et précis. Sans bavure. La suite du cast, de petite facture, appartient à la troupe de cette maison d’opéra, à part Le Gouverneur d’Ugo Guagliardo. Dommage. Si ce n’est pour l’authenticité musicale, la précédente version du Met continue d’occuper le haut du podium.