Il était indispensable à l’Histoire de l’art lyrique que l’entrée au répertoire du mythique Met de New York de l’avant-dernier opéra d’un Rossini âgé d’à peine 36 ans, fasse l’objet d’une diffusion DVD. En fait c’est le spectacle retransmis en direct le 9 avril 2011 dans un grand nombre de salles de cinéma. Indispensable car il fixe ainsi pour la postérité un trio de stars difficilement égalable. O Comment imaginer meilleur rôle-titre que Juan Diego Florez ? Non seulement il s’amuse d’une tessiture meurtrière avec cette voix de velours ensoleillé inimitable, mais en plus il joue la comédie avec un aplomb qui ne connaît que peu de limites. Et Dieu sait combien ce rôle est, en la matière, surexposé. Un régal de finesse et d’élégance ! A ses côtés et ne lui cédant en rien, l’Isolier de Joyce DiDonato se coule dans ce rôle travesti avec une audace de ton et d’allure qui n’occultent en rien un chant rossinien des plus racés. Quels aigus ! Quelle science de la vocalisation ! Une merveille ! Last but not least, Diana Damrau continue de faire siens tous les rôles qu’elle aborde et ne fait ici qu’une bouchée du personnage pourtant follement périlleux d’Adèle. La sûreté avec laquelle ses suraigus sont lancés laisse pantois. Cela dit, la soprano n’a rien d’un petit rossignol et la voix se révèle encore une fois ici formidablement charnue et tendrement fruitée. Dire que la comédienne n’est pas en reste relève de l’euphémisme. Au Français de l’étape revient le rôle plus épisodique de Raimbaud, rôle dans lequel Rossini a glissé au 2nd acte une grande scène réclamant une parfaite maîtrise du chant syllabique. Stéphane Degout y est impeccable.Si la suite de la distribution est un rien en retrait (mais pouvait-il en être autrement ?), saluons la mise en scène de Bartlett Sher. Sur le principe simple du théâtre dans le théâtre et dans de somptueux costumes signés Catherine Zuber, il nous plonge dans un univers médiéval sans complexe, laissant libre cours à la partition de Rossini, dirigée ici par Maurizio Benini, et aux turpitudes de ce voyou de Comte Ory. Un travail d’orfèvre qui trouve son acmé dans le célébrissime trio du 2nd acte. Un moment d’anthologie à hurler de rire. Un spectacle follement ovationné par un public debout.