Enregistrée en direct lors du Festival de Salzbourg 2006, édition fêtant le 250ème anniversaire de la naissance de Mozart, cette représentation des Noces est un chef d’œuvre autant musical que scénique. Avec pour seul décor le palier d’un escalier monumental de la demeure du Comte Almaviva, palier ouvrant sur une large fenêtre qui a laissé entrer dans l’auguste palais quelques feuilles fanées, le metteur en scène allemand Claus Guth nous fait pénétrer au plus intime des acteurs de cette folle journée. A l’image, tout sauf anodine, d’un messager pasolinien, Claus Guth ajoute un personnage imaginaire, un double invisible, pour les protagonistes, de Cherubin. Petites ailes sur les épaules, celui-ci, nanti d’un physique à faire damner un saint, tire les ficelles de cet imbroglio sentimental… et social. Cernant les personnages au plus près de leurs émotions, le réalisateur Brian Large nous donne à voir ici des Noces d’une acuité psychologique exceptionnelle. A vrai dire, la distribution, elle aussi exceptionnelle (on est à Salzbourg tout de même !), réunit quelques uns des meilleurs chanteurs actuels. A commencer par l’impeccable Figaro de la basse italienne Ildebrando D’Arcangelo, dont on ne sait qu’admirer le plus, de la plastique intensément virile au lumineux velours d’un organe né sous le ciel de la Méditerranée. Quel acteur ! Quel chanteur ! Et que dire de la Susanna de la Russe Anna Netrebko ? Quelle interprète peut-on lui opposer dans cet emploi mille et mille fois entendu ? Physique de star, voix charnue, homogène et souple, interprète engagée, elle donne enfin sa vraie dimension à cette femme de chambre capitale dans le cheminement de l’action. Superbe !En comte érotomane transpirant le stupre et la faiblesse, le baryton danois Bo Skovhus campe un personnage à mille lieux de l’image d’Epinal trop longtemps servie sur nos plateaux. Une réussite. La soprano allemande Dorothea Röschmann incarne une comtesse dans laquelle il est aisé de retrouver la Rosine du Barbier rossinien. Quant à Christine Schäfer, soprano distribuée dans le rôle habituellement confié à un mezzo de Cherubin, elle est tout simplement idéale de musicalité, d’effronterie, de naturel. Un véritable triomphe personnel l’attendait au rideau final.A noter que tous les autres rôles sont superlativement tenus.Il ne reste plus qu’à préciser que Nikolaus Harnoncourt œuvrait dans la fosse à la tête du Philharmonique de Vienne pour comprendre combien cette captation était indispensable.Si vous manquez d’idées pour Noël….